Suède - Le gouvernement veut interdire les runes

"Ces dernières années, les organisations extrémistes [...] ont pris de plus en plus de place dans l’espace public. Un préalable à une société sûre et démocratique est notre capacité à lutter contre le crime de haine. Le gouvernement lance donc une enquête pour examiner la responsabilité pénale des symboles racistes.

L'enquêteur examinera comment l'infraction contre un groupe ethnique a été appliquée à des symboles racistes et assimilés. L’enquêteur décidera ensuite si le droit pénal en vigueur sur les symboles racistes et assimilés est conçu de manière appropriée ou s’il convient qu'il soit clarifié ou complété."

Il est également précisé que "l’enquêteur peut également envisager d’introduire une interdiction spéciale de l’utilisation publique de certains symboles en complément de la responsabilité pénale pour préjudice subi par les groupes ethniques." C'est ce dernier point qui inquiète en particulier les membres de la communauté asatru.

Les conclusions de l'enquête diligentée par le gouvernement seront annoncées au plus tard le 31 mai 2019.

L'Histoire contre les récupérations néo-nazies

Le résumé de l'enquête indique que la rune "tyr" est apparue sur des banderoles lors de manifestations, utilisée comme symbole par les néo-nazis en Suède. Aucun des adeptes de l'Ásatrú, nom donné au néopaganisme nordique, ni aucun passioné de la culture nordique, ne se réjouit de voir se produire une telle récupération. Mais ils considèrent qu'il n'est pas pour autant raisonnable de régler ce problème en jetant l'opprobre sur tout un alphabet, et que cela restreint aussi la liberté de religion garantie par la Constitution. 

En outre, ils estiment que lorsque les dirigeants pointent du doigt les runes pour une autre signification que celle qu'elles ont dans l'Histoire, ces derniers commettent les mêmes erreurs que les nazis. "Selon nous, les préjugés et les malentendus sont mieux guéris par la connaissance et les faits! Il n'est pas juste d'essayer de remplacer la signification de nos symboles par leurs propres préjugés ou un sens politique dont ils sont dénuées. Les interdire reviendrait à interdire une partie de notre Histoire, de notre culture et de nos croyances, ainsi que notre droit de les exprimer, en raison d’interprétations politiques qui ne sont pas celles de la communauté asatru!"

L'organisation religieuse païenne Nordiska Asa fondée en Suède en 2014,  reconnue et enregistrée par le gouvernement en 2016, conclut ainsi sur son site Internet: "Quels que soient les soubresauts politiques du moment, ils ne doivent en aucun cas venir détruire l'expression d’une religion et d’une culture aussi anciennes telle que les premières traces des premiers habitants du Nord."

Une pétition et une manifestion

L’intérêt pour l'Âge Viking a fortement augmenté ces derniers temps, y compris à l’international, notamment grâce aux séries télévisées Vikings, The Last Kingdom et Game of Thrones. Il n'empêche que d'après la proposition du gouvernement, l'interdiction pourrait également s'étendre aux anciens symboles et bijoux scandinaves en tant qu'étendard de la haine raciale. Cela concerne, entre autres, le marteau de Thor Mjöllnir, les entrelacs du nœud d'Odin et le symbole islandais du vegvísir.

L'association des Ásatrúar, en signe de protestation contre ce projet gouvernemental, a lancé sa riposte appelée "Runkampen" sous le slogan "Ne touchez pas à nos runes". Une pétition a été créée avec déjà près de 6 000 signatures collectées au 21 Mai.

Le vendredi 24 mai, entre 14h00 et 16h00, une manifestation est également organisée à Slottsbacken (une rue de Gamla Stan, la vieille ville du centre de Stockholm), à l'occasion de laquelle la pétition sera remise au gouvernement. 

• Sources: www.samnytt.se, www.regeringen.se (traduction et réécriture Kernelyd)
• Site officiel du gouvernement: www.regeringen.se/rasistiska-symboler-dir-2018-61.pdf
• Site officiel de Nordiska Asa: www.asa-samfundet.se/

La manifestation à l'initiative de l'organisation Nordiska Asa s'est bien tenue ce vendredi 24 Mai, à Mynttorget, mais n'a pas atteint tous ses objectifs.

Un peu plus de 100 personnes se sont réunies à Mynttorget, une place dans le vieux centre ville de Stockholm, pour protester contre la proposition du ministre de la Justice, Morgan Johansson, qui entraînerait une éventuelle interdiction des runes et autres symboles nordiques. L'objectif était de lui remettre une pétition qui compte plus de 15 000 signatures.

Cependant, le ministre a refusé de sortir pour recevoir la pétition. Certains ironisent en se demandant déjà ce qu'il adviendra de Rökstenen, la plus célèbre pierre runique de Suède, qui comporte la plus longue inscription en runes au monde, si la proposition du ministre devait être acceptée. 

• Source: www.nyadagbladet.se (traduction et réécriture Kernelyd)