Science des religions - Jésus, un dieu guerrier à égalité avec les dieux nordiques

Et pour que les missionnaires chrétiens puissent s'adresser à l'élite guerrière des Vikings, ils ont donc dû accorder l'image de Jésus à la perception des dieux nordiques existants. Au cours de cette période, les Danois était pour le moins un peuple dur et brutal. Il n'est donc pas difficile d'imaginer qu'il fallait bien plus que la souffrance de Jésus sur la croix pour convaincre des Vikings récalcitrants au sujet de la nouvelle foi.

"Durant l'Âge Viking, Jésus-Christ a été à la fois vendu et perçu comme un guerrier fort et puissant. Il était nécessaire de s'adapter et de le présenter comme fort et puissant parce qu'autrement il n'aurait pas pu entrer en concurrence avec les dieux existants, tels que Thor" explique Bettina Sommer, experte en religion nordique pré-chrétienne et chargé de cours en histoire religieuse à l'Institut Saxo.

Jésus intégré au panthéon nordique

Il est certain que l'image de Jésus en dieu guerrier introduite par le christianisme n'est certainement pas un hasard. Le but du missionnaire était de promouvoir le christianisme. Et les Vikings en étaient bien conscients. Selon Jens-André P. Herbener, historien des religions: "Les Vikings avaient le respect de la victoire dans la bataille et la conquête. Jésus ne pouvait pas répondre à ces exigences ou agir sur un pied d'égalité avec leurs propres dieux, il n'était pas possible d'avoir recours à lui."

Comme il y avait au coeur de cette culture guerrière une notion de l'honneur au combat jusque dans la mort, les Ases étaient souvent dépeints tels de grands guerriers qui triomphent de leurs ennemis. Et il en fut ainsi pour Jésus. 'Il fallait l'introduire dans un monde dominé par des dieux imposants et puissants qui pouvaient aider et protéger leurs fidèles. Comme il est aisé d'interpréter Jésus en tant que guerrier et conquérant tout à fait semblable aux ases, ils ont fait ainsi."

Un Jésus humble et indulgent recalé

Aujourd'hui, il existe une image complètement différente de Jésus, qui n'aurait jamais été acceptée à l'Âge Viking. De nos jours, les attributs de Jésus que sont l'humilité, avec tout ce que cela signifie de tendre l'autre joue, ne cadreraient pas avec l'importance de la puissance et de la force dans le code d'honneur de la culture guerrière des Vikings. "L'image actuelle de Jésus aurait été trop veule et lâche à l'époque. Ils n'auraient probablement pas vu quoi que ce soit d'attrayant à suivre un dieu qui était humble et indulgent", précise Bettina Sommer.

Dans les représentations de cette période qui nous sont parvenues, Jésus est bel et bien représenté comme un puissant dieu guerrier. "La représentation peut-être la plus célèbre d'un Jésus fort et victorieux, est celle réalisée sur la pierre de Jelling. Là, nous voyons un Christ fort et déterminé, qui regarde droit dans les yeux celui qui le contemple. Ce n'est pas un homme blessé ou souffrant sur la croix, comme nous le voyons dans les représentations par la suite. Les hommes de l'Âge Viking aurait probablement vu un Christ blessé et souffrant comme une personne pitoyable, et ne lui auraient pas accordé une once d'attention", précise Bettina Sommer.

Un reflet des besoins de la société

Quand l'image de Jésus change au fil du temps, et s'adapte à l'époque, cette représentation reflète les besoins que nous avons en tant que culture, société et individus.

"C'est une banalité que d'affirmer qu'aujourd'hui, nous ne vivons plus dans une société guerrière. Au contraire des Vikings. A présent, la représentation de Jésus au Danemark, bon et aimant, reflète le fait que nous vivons dans une société où nous mettons l'accent sur la bonté, la compassion et la considération", constate Bettina Sommer avant de conlure: "On peut donc décrypter les sociétés actuelle et passée en observant leur idole."

A cet égard, Jens-André P. Herbener pense que la religion est culturellement conditionnée et est une création de l'homme, et par conséquent c'est une évidence, selon lui, que les idoles évoluent au fil du temps: "Les gens créent une représentation de Jésus en fonction de leur besoin. Elle peut donc être élaborée de différentes manières, par exemple en celle d'un Gandhi bienveillant ou d'un extraterrestre venu de Vénus. Il n'y a aucune limite. Ce qui importe, c'est que les gens lui donne une forme en fonction de ce dont ils ont besoin", conclut-il à son tour.

• Source: www.dr.dk (traduction et récriture Kernelyd)