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France - La tapisserie de Bayeux de retour au Royaume-Uni?

La tapisserie de Bayeux, joyau médiéval qui raconte l'invasion de l'Angleterre par le duc de Normandie Guillaume le Conquérant, reviendra au Royaume-Uni en 2022, a annoncé jeudi 18 Janvier Theresa May à l'issue d'un sommet avec Emmanuel Macron. La Première ministre du Royaume-Uni loue "un geste extraordinaire" de la France. 

Avec ce prêt, la tapisserie reviendra pour "la première fois (...) depuis plus de 900 ans sur le sol britannique", s'est félicitée la Première ministre britannique lors d'une conférence de presse avec le président français.

La cheffe d'État a également salué la qualité des relations entre la France et la Grande-Bretagne lors d'une interview accordée au 20 heures de France 2. "Il y a énormément d'enthousiasme, ici au Royaume-Uni, à l'idée du retour de la tapisserie de Bayeux, c'est un geste extraordinaire de la France", a-t-elle déclaré.

"La tapisserie de Bayeux est unique, c'est une fierté pour la France. Par le génie créatif qu'elle illustre et l'histoire qu'elle relate. Elle n'a jamais quitté le sol français en mille ans et incarne le lien qui nous unit", a souligné de son côté Emmanuel Macron, indiquant qu'un tel prêt ouvre "un nouveau chapitre" dans les relations culturelles et scientifiques entre les deux pays.

La tapisserie sera remise à l'Angleterre à l'occasion des importants travaux de rénovation et d'agrandissement du musée qui l'abrite à Bayeux, mais pas avant 2020, avait auparavant précisé l'Elysée, "car c'est un objet patrimonial extrêmement fragile qui va faire l'objet de travaux de restauration très importants" avant tout transport.

À noter que le lieu de fabrication de la tapisserie est toujours sujet aux débats. "La tapisserie a très probablement été conçue à Canterbury, dans le Kent, où existaient à l'époque de nombreux ateliers de broderie", explique Pierre Bouet, historien médiéviste.

 

 

20.01.2018 - La tapisserie de Bayeux ne devrait pas voyager, selon les experts

La promesse de prêter la tapisserie de Bayeux à l’Angleterre a été prononcée "sous réserve que les exigences juridiques et les conditions scientifiques de restauration et de préservation soient respectées" selon le communiqué de l'Elysée. La parole est aux experts.

Antoine Verney, directeur des Musées de Bayeux

Antoine Verney a assuré que "le prêt de l’œuvre est jugé par l’ensemble des partenaires non envisageable au regard des connaissances sur son état de conservation actuel." Il n'a cependant pas dit que le prêt serait impossible mais que celui-ci devrait être soumis à une décision qui fera suite au "programme d’étude préalable à une éventuelle intervention de conservation/restauration devant aboutir à la stabilisation de l’œuvre à l’horizon 2022/ 2023."

Ses collègues britanniques, pas plus que les Français, "ne mettraient la tapisserie en danger pour un 'coup de com'."  Il ajoute qu’un partenariat institutionnel fort, impliquant les institutions britanniques capables d'être associées au projet muséographique tant du point de vue scientifique que documentaire, telles que le British museum, le Victorian et Albert Museum, la British Library ou l'English Heritage, […] est jugé comme un préalable sine qua non, qui aura parallèlement pour objectif d’accompagner la réflexion sur les conditions de réalisation de ce prêt éventuel à étudier dans toutes ses dimensions.

Antoine Verney a tenu par ailleurs à faire part du contexte lié au "projet de refonte du programme architectural, technique et muséographique du musée actuel". C’est en raison de ce projet qui doit notamment se pencher sur les conditions de conservation et de présentation de la tapisserie de Bayeux qu’un constat d’état très détaillé doit être établi. Ce projet mobilise depuis 4 ans un collège international de conservateurs, d’historiens de l’Art et de restaurateurs de textiles. Un appel d’offre à l’échelle européen a été lancé mais s’est révélé infructueux. Un nouvel appel d’offre, sans doute avec un séquençage des demandes et du cahier des charges, sera à nouveau lancé, des opérations successives pouvant être demandées à plusieurs équipes. Le constat d’état doit lui même aboutir à un cahier des charges de conservation et/ou restauration.

Le conservateur ne s’engage donc pas sur un prêt futur même s’il ne l’exclut pas. Antoine Verney a expliqué que le choix sera effectué uniquement en fonction de l’étude qui va être menée, et que la Ville de Bayeux ne prendra jamais aucun risque pour la tapisserie, soulignant que l’accord de la municipalité est nécessaire. Une convention de dépôt entre l’État, propriétaire de l’œuvre, et la Ville de Bayeux a été signée le 20 décembre dernier, qui prévoit pendant 49 ans que 'tout déplacement en dehors de l’établissement dans lequel est présentée la Tapisserie devront faire l’objet d’une convention particulière entre l’État et la Ville de Bayeux."

 

Isabelle Bédat et Béatrice Girault, restauratrices

Isabelle Bédat et Béatrice Girault sont deux des trois restauratrices qui sont intervenues sur cette œuvre lors de la dernière opération de conservation en 1981-1983

Isabelle Bédat a précisé que si l’œuvre vieille de 1000 ans était parvenue jusqu’à nous en bon état apparent, c’était essentiellement parce qu’elle n’avait pas ou presque pas été bougée et qu’elle était conservée depuis toujours dans la cathédrale, à l’abri de la lumière, exposée une dizaine de jours par an seulement. L’œuvre n’avait d’ailleurs pas été restaurée. L’intervention de 1981-1983, a précisé Béatrice Girault, n’était pas une restauration à proprement parler. Après étude, la tapisserie avait simplement été dédoublée puis redoublée.

Si Isabelle Bédat se montre dubitative sur la possibilité de transporter la Tapisserie, rappelant que tous les prêts précédents ont été refusés au motif que l’objet était trop fragile, Béatrice Girault, qui est aujourd’hui à la retraite, est encore plus catégorique: "À chaque fois qu’on la manipule, on perd un peu de matière donc un peu de résistance, que ce soit le lin de la toile de base ou la laine de la broderie. Le problème ce n’est pas l’âge, c’est la taille. On ne peut pas la transporter comme un tableau dans une caisse. On ne peut pas la rouler car c’est trop fin et cela engendre des plis et des tensions […] La broderie elle même n’a pas besoin d’être consolidée, mais le moindre frottement, le moindre pli fait partir des petites fibres."

Quant à une éventuelle restauration, évoquée comme préalable à tout déplacement, elle se montre tout aussi ferme: "On ne peut pas la restaurer de façon à rendre son transport sans risques. Ce n’est pas comme une sculpture qu’on pourrait consolider. C’est toute la matière qui est fragile en elle même et qui demande le moins de manipulation possible."  Elle rappelle qu’à l’époque, de nombreuses questions s’étaient posées, notamment sur les restaurations du XIXème siècle: "On s’était demandé s’il fallait enlever les restaurations anciennes pour faire des restaurations plus discrètes. Et la réponse avait été non, parce que ça fait partie de l’histoire de l’objet, que ce soit sur la toile ou sur la broderie elle-même."

Les deux restauratrices soulignent un autre point, évident: cela créerait un précédent. Béatrice Girault s’en inquiète: "Pourquoi ne pas lui faire traverser ensuite l’Atlantique ou ne pas l’envoyer au Japon? C’est la porte ouverte à toutes les demandes et politiquement cela peut être difficile de refuser pour les uns ce qu’on a accepté pour les autres. Tout cela est dangereux pour l’œuvre."

 

François Neveux, médiéviste et président de la commission scientifique internationale en charge du projet muséographique

François Neveux a déclaré à France Info: "Si j’étais seul à prendre position sur un prêt, je dirais non". 

Il nuance toutefois son propos: "De toute façon, ce qui se passe c’est une décision politique, il ne faut pas se voiler la face. Si le président de la République veut vraiment cela, je ne vois pas comment on pourra l’éviter ni comment la ville pourrait le refuser".  D’ailleurs, rares sont les journalistes qui emploient le conditionnel, comme si la décision était irrévocable.

Didier Rykner en conclut que l'on peut donc tout craindre de cette idée, qui n'est pas absurde sur le principe (l’œuvre est aussi fondamentale pour l’histoire de l’Angleterre) mais irresponsable dans la pratique. On ne doit pas restaurer une œuvre qui n’en a pas besoin pour la rendre transportable (ce qui de toute façon serait une erreur). On ne devrait pas non plus, selon lui, utiliser les œuvres d’art les plus précieuses et les plus fragiles pour faire de la diplomatie. 

 

Isabelle Attard, ancienne directrice du musée de la Tapisserie de Bayeux

  • Vous avez exprimé de grandes réserves sur le prêt de la tapisserie de Bayeux à la Grande-Bretagne, doutant de la faisabilité du déplacement. Pourquoi ?

 "La tapisserie est fragile. La toile de lin d’origine du XIe siècle sur laquelle est brodée la tapisserie, a été cousue, il y a environ deux siècles, sur un tissu beaucoup plus rugueux, beaucoup plus costaud. On a ajouté une toile derrière pour pouvoir la suspendre à une sorte de rail. La tapisserie n’est pas directement suspendue, mais chaque tension joue sur le lin, la toile de base. Dans l’idéal, il aurait fallu que cette tapisserie de 70 mètres de long soit présentée à plat, légèrement en oblique pour qu’on puisse la regarder. Toute manipulation, toute manutention est extrêmement délicate à réaliser. Il y a quelques années, nous l’avions bougée un peu, de quelques centimètres seulement à l’intérieur même de son rail pour réparer une façade de la vitre qui protège la tapisserie. Nous étions plus de 20 personnes à la manœuvrer en même temps sur toute sa longueur pour ne pas créer de tension ou de déchirure. Imaginer que l’on fasse la même chose sur toute sa longueur plusieurs fois pour pouvoir la réexposer à Londres... Pour avoir dirigé le musée dans lequel se trouve la tapisserie pendant six ans, je sais que toute manipulation est millimétrée. C’est pourquoi, vu tous les risques encourus à bouger une telle œuvre d’art, j’émets d’immense réserves."

  • Elle a pourtant déjà pas mal voyagé : Napoléon l’a faite venir à Paris en 1804 et elle a également été transportée au Louvre pendant la Seconde guerre mondiale sur ordre d’Hitler. 

"Ce n’est pas parce qu’elle a été transportée, il y a 70 ans, qu’on doit recommencer ! Elle a été stockée et exposée dans différents endroits. Elle a été très malmenée à chaque déplacement. Lorsqu’elle a été bougée à l’intérieur même de la ville de Bayeux, des trous supplémentaires sont apparus. La dernière fois, en 1983, il a fallu la rentrer dans le musée actuel, l’ancien séminaire de Bayeux, avec d’infinies précautions. Il y a eu des réparations faites à cette occasion. Tout ça n’est pas une autorisation à mouvement. Lorsque la tapisserie est revenue à Bayeux après son séjour à Paris en 1804, le directeur du nouveau musée du Louvre, Dominique Vivant Denon, a écrit un courrier disant qu’il confiait la tapisserie aux bons soins des habitants de Bayeux. C’est pour cela qu’elle est restée dans cette ville, – la tapisserie appartient à l’Etat – et que Bayeux doit en prendre soin. D’autres pays ont une autre politique avec leurs trésors nationaux. Le Japon, par exemple, ne fait pas sortir des œuvres comparables du pays."

  • Dans quel état est aujourd’hui la tapisserie ? 

"Il y a eu beaucoup de réparations au cours du temps, certaines un peu plus malheureuses que d’autres. Il y a plus de trous et de parties manquantes au début et à la fin de la tapisserie. Des dégâts liés notamment à ses conditions de présentation dans les années 1850 : elle était enroulée comme une pellicule de photo qu’on déroulait face aux visiteurs. Par ailleurs, elle était stockée dans un endroit assez humide, loin des conditions idéales de conservation pour une toile qui avait déjà plus de 800 ans. Pour autant, pour son âge, pour ce qu’elle a vécu comme transports et pérégrinations, elle est très bien conservée. Le temps a fait son effet mais nous sommes chanceux de l’avoir dans cet état. Ne prenons pas trop de risques, évitons-lui un déplacement supplémentaire!"

  • La tapisserie sera cependant quand même déplacée pour permettre les travaux du musée... 

"Oui, mais ce sera un transfert à l’intérieur de la ville tel qu’il a eu lieu en 1983. C’est l’histoire de quelques mètres. C’est sans commune mesure avec ce qui se prépare pour Londres."

  • Quelles seraient les précautions à prendre pour un voyage en Grande-Bretagne ? 

"Un voyage aussi long et d’une telle ampleur serait une première. Difficile d’imaginer comment cela pourrait se faire. La tapisserie serait sans doute enroulée sur elle-même, puisqu'on ne peut pas la transporter d’un seul tenant. En 1939, elle avait été cachée dans un immense tube métallique pour la protéger. La tapisserie est extrêmement lourde, donc je pense qu’il faudra un système de portage par câble, comme nous l’avons déjà imaginé avec les pompiers dans le plan d’évacuation du musée. Il faudra la protéger des insectes comme des mites, car la possibilité que des éléments extérieurs atteignent l’intérieur du contenant est réelle.  Encore une fois, très franchement, ce serait une opération extrêmement délicate et je pense que les experts des musées français ne seront pas de trop pour réfléchir à la meilleure solution."

  • La tapisserie est actuellement présentée dans un conteneur hermétique vitré qui la protège des incendies et de l'humidité. Peut-elle être présentée en Grande-Bretagne dans les mêmes conditions qu'en France? 

"C’est une grande interrogation. Il faudra poser des conditions."

  • Quel serait le manque à gagner pour la ville de Bayeux ? 

"C’est aussi une grande question. La ville de Bayeux, ses commerçants, ses hôteliers, ses restaurateurs vivent des 400.000 visiteurs par an dans le musée. D’après les chiffres que j’avais à l’époque, c’est le plus grand musée de province après Versailles en nombre de visiteurs. S’il n’y a pas de tapisserie à voir, on peut penser qu’il y aura une baisse de la fréquentation qui va entraîner une baisse des chiffres d’affaires pour les commerçants de la ville. Est-ce qu’on peut remplacer la tapisserie de la ville par un autre trésor national que les gens pourraient venir voir à la place? Je ne sais pas."

  • Quel sera le coût du prêt ?  

"Outre le montant d’une telle opération à risque, je me demande qui va assurer cette œuvre unique, "mémoire du monde" de l’Unesco. J’ai imaginé moi-même plusieurs fois que cette œuvre aille au bout du monde pour que les gens puissent la voir, mais ce n’est pas réaliste."

Source: www.nouvelobs.com (Propos recueillis par Sarah Diffalah / L'Obs)

 

10.01.2024 - La tapisserie de Bayeux ne déménagera pas en Angleterre

L'année 2024 sera celle où se dévoile le nouveau visage du musée de la tapisserie de Bayeux. Un projet de rénovation et d'agrandissement de l'actuel bâtiment sera présenté en février. Le temps des travaux, qui doivent se terminer en 2027, la toile brodée au XIème siècle ne déménagera pas en Angleterre.

La Tapisserie de BayeuxLe futur musée de la Tapisserie de Bayeux sera présenté en février prochain. Un projet d'envergure, de rénovation et d'agrandissement du lieu qui abrite aujourd'hui la tapisserie de Bayeux retraçant la conquête de l'Angleterre par le Duc de Normandie en 1066. L'objectif étant que le chantier soit terminé pour 2027 et le millénaire de Guillaume Le Conquérant.

Un temps envisagé, le déménagement de la toile en Angleterre pendant les travaux semble avoir du plomb dans l'aile.

 

Pas de déménagement en Angleterre envisagé aujourd'hui

Si Emmanuel Macron l'a encore évoqué en juin dernier, lors de sa venue à Arromanches pour le 79ème anniversaire du Débarquement, le prêt de la Tapisserie de Bayeux à l'Angleterre ne semble plus du tout d'actualité. Le sujet n'a même pas été évoqué lors de la venue du Roi Charles III en France en septembre 2023. 

La tapisserie de 68 mètres de long et de près de 350 kilos ne peut pas voyager. "Elle est trop fragile pour traverser la Manche" confirme Loïc Jamin, l'adjoint en charge de la culture à la mairie de Bayeux, qui souligne les contraintes que représenterait un tel déménagement : la température, l'humidité et l'inclinaison à respecter pour ne surtout rien abimer de cette toile brodée au XIème siècle.

 

La tapisserie sera restaurée à Bayeux après 2027

La tapisserie va donc rester en Normandie où elle sera restaurée, après 2027. La date est une des rares certitudes du projet.

La restauration doit être réalisée au sein même du musée de Bayeux, une fois son chantier terminé.

 

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