France - L'épopée viking de Walter Crane, de l’Amérique à la Normandie
- Le 11/10/2019
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Pour la somme de 115 000 euros, le Musée des Beaux-Arts de Rouen a récemment acquis sept tableaux qui composent une frise évoquant une épopée viking. Le public est appelé à contribuer au financement de la restauration de cette œuvre de Walter Crane: "The Skeleton in Armor".
La Réunion des Musées Métropolitains (RMM) lance un appel à financement participatif pour la restauration de l'œuvre "The Skeleton in Armor" de l'artiste anglais Walter Crane. Une première pour la Métropole Rouen Normandie qui s'associe avec la plateforme KissKissBankBank & Co dans l'espoir de lever des fonds à hauteur de 15 000 euros.
Le Squelette en armure de River Fall
L’œuvre conçue en 1883 par le célèbre artiste, théoricien et écrivain anglais Walter Crane, est formée de 7 toiles qui se déploient pour composer une magnifique frise narrative de plus de 30 mètres. Chacune de ces grandes toiles sont bordées d’extraits tracés dans une calligraphie d'inspiration médiévale du poème "Skeleton in Armor" de Henry Wadsworth Longfellow, qu'elles illustrent.
L’ensemble relate l’histoire d'un Viking qui tombe amoureux de la fille d’un prince de Norvège. Celui-ci n'acceptant pas cette union, les amoureux se retrouvent contraints de prendre la fuite et s'embarquent pour les terres du Nouveau Monde. Le prince de Norvège, lancé à leur poursuite, périt en mer avec ses compagnons. Le jeune couple jette les amarres en Amérique et le viking construit une magnifique tour de pierre pour son aimée. La jeune femme meurt quelques années après. De désespoir, le Viking s’empale sur la pointe de son épée.
Le poème d’Henry Wadsworth Longfellow (américain, 1807-1882), édité en 1841, s'inspire lui-même de la découverte en 1832 du squelette d’un homme en armure à River Fall, dans le Massachusetts, supposé à l'époque être celui d’un des premiers colons vikings. Toutefois, si les hommes du Nord ont bel et bien exploré l'Amérique du nord vers l'an mil, le squelette, qui fut détruit lors d'un incendie en 1843, était sans doute plus tardif et avait peu de chances d'être celui d'un Viking... La légende, elle, était née.
Entre légendes vikings et bonnets phrygiens
Commandée par Miss Catharine Lorillard Wolfe, une richissime héritière américaine de l’industrie du tabac, la frise de Walter Crane déroulait sa palpitante et triste histoire, sur les murs de la salle à manger de Vinland, la résidence d’été à Newport (Rhode Island) de cette collectionneuse d’art et philanthrope. La demeure, manifeste de l'esthétisme néo-romantique, fut construite en 1882 par Peabody & Stearns et partiellement décorée par William Morris et Burne-Jones qui puisèrent largement dans le registre nordique.
Pour élaborer son œuvre dans l'esprit de cette demeure, Walter Crane emprunta à la poésie, à la mythologie, aux légendes vikings, à la Renaissance et à ses contemporains comme Morris ou Ruskin, tout en intégrant ses idées socialistes (bonnets phrygiens, corps sculptés par la dureté du labeur en référence aux travailleurs…).
L'artiste anglais, célèbre pour ses illustrations de livres pour enfants, était également théoricien et écrivain. C'est l'un des principaux acteurs du mouvement artistique Arts & Crafts. D'abord connu comme illustrateur, puis fervent promoteur des arts décoratifs, il exerça son art dans de nombreux domaines : la peinture, la céramique, le papier peint, la tapisserie...
Le sauvetage d'une oeuvre maltraitée
L’importance des liens historiques entre la Normandie et la Grande-Bretagne a amené depuis plusieurs années le Musée des Beaux-arts de Rouen à privilégier l'acquisition d'oeuvres d'art anglaises, parmi lesquelles le cycle de Walter Crane au printemps 2019.
Financée par l’État et la Région à hauteur de 50 %, l’œuvre a fait l’objet d’un "véritable sauvetage", d’après Sylvain Amic, directeur de la Réunion des Musées Métropolitains. "Elle est réapparue sur le marché à Lyon, l’année dernière. Sans acquéreur, elle aurait pu être dispersée dans diverses collections privées. Il y a eu un engagement fort de la part des collectivités", a expliqué le responsable.
En outre, déposé en 1987 pour être vendu puis conservé parfois dans de mauvaises conditions, le décor de Walter Crane a été endommagé et nécessite aujourd’hui une restauration ambitieuse qui reviendra "plus cher que le prix d’acquisition". Toutes les toiles ont été roulées à une certaine époque ou le sont encore aujourd’hui. Elles sont oxydées et ponctuées d’altérations caractéristiques d’un stockage prolongé roulé: déformations verticales répétées, gondolement généralisé et nombreux plis plus ou moins marqués, lacunes, écaillements, griffures…
Une fois restaurée, cette oeuvre constituera une des rares pièces faisant référence aux Vikings visibles dans les collections permanentes et accessibles gratuitement du Musée des Beaux-arts à Rouen.
15 000€ pour la fuite des amoureux vikings vers l'Amérique
Des analyses scientifiques comprenant imagerie scientifique (ultraviolets, infra-rouges), prélèvements avec analyses chimiques vont précéder la restauration. Au vu de la finesse de la toile et des formats des œuvres, il est probable que les supports doivent être renforcés dans leur totalité afin de permettre la remise en tension et le remontage sur châssis. Le traitement des couches picturales débutera par la consolidation et le refixage des écaillages et lacunes. Un traitement préventif des zones où des suspicions de moisissures ont été décelées sera réalisé. Le décrassage sera particulièrement délicat compte tenu de l’absence de vernis protégeant les surfaces.
Six des sept toiles seront restaurées sur les fonds propres de la Réunion des Musées Métropolitains. Les dons seront consacrés à la restauration de la toile n° 4, qui illustre la fuite des amoureux vikings vers l'Amérique.
Chaque participation financière donne le droit à une déduction fiscale à hauteur de 66 %, et peut faire l'objet de quelques contreparties à hauteur de 25 % du montant du don.
Pour faire un don en ligne:
https://www.kisskissbankbank.com/fr/projects/epopee-viking-musee-rouen
"The Skeleton in Armor" est présenté, avant sa restauration, au Musée des Beaux-Arts du 2 octobre 2019 au 6 janvier 2020 en accès gratuit.
- Sources: www.paris-normandie.fr, www.kisskissbankbank.com (synthèse et réécriture Kernelyd)
- Lire le poème: www.poetryfoundation.org
22.10.2022 - L'épopée viking de Walter Crane exposée au musée des Beaux-Arts de Rouen
Skeleton in armor, l'une des œuvres majeures de Walter Crane acquise en 2019 par le Musée des Beaux-Arts de Rouen, a été entièrement restaurée, avec le soutien de souscripteurs privés. La frise de plus de 30 mètres est désormais visible dans les collections permanentes.
Elles sont une quinzaine de restauratrices à avoir travaillé sur l'œuvre pendant plus d'un an, sous la coordination de Laëtitia Desvois. "On a eu beaucoup d'affection pour ce cycle. Ce peintre est très attachant, au niveau de sa réflexion par rapport à l'art. C'est un des plus beaux chantiers que j'ai faits", a-t-elle déclarée.
"Nous sommes plutôt habituées à travailler sur de petits formats. Là, c’était très particulier", poursuit-elle. "Avec d’un côté des châssis hors norme à fabriquer pour tendre la toile. Et de l’autre, un gros travail sur la peinture qui avait beaucoup souffert".
À tel point que certaines parties ont été entièrement reproduites en utilisant des documents - et notamment des photographies - d’époque. Une méthode dite 'illusionniste' parfaitement assumée. "C’est un choix que nous avons fait avec l’équipe de restauration", explique Florence Calame-Levert, la conservatrice en chef du musée.
"Nous avons décidé de réintégrer de manière illusionniste la scène la plus lacunaire. Nos retouches sont distinctes au niveau technique, mais pas au niveau visuel. Le cycle étant très graphique, on trouvait dommage de ne pas restituer l'intégralité du décor", conclut Laëtitia Desvois.
La frise est à découvrir dans une salle dédiée du Musée des Beaux-Arts.
- Sources: www.tendanceouest.com, www.leparisien.fr
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