Suède - Nouvelle découverte d'un fragment de pierre runique à Estuna
- Le 11/12/2024
- Dans Archéologie
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Cinq fragments de pierre runique ont été répertoriés dans la maçonnerie du porche du cimetière de l'église d'Estuna - les quatre premiers en 1929, le cinquième quelques années plus tard. Un sixième, récemment apparu lors de la réfection du mur d'enceinte, témoigne de l'importance récurrente du symbolisme des oiseaux à l'Âge Viking.
Le fragment de pierre runique a été découvert le 14 Octobre 2024 par les employés de Stenmontering i Bohuslän AB, une entreprise spécialisée dans la construction et la restauration de murs en pierres sèches. Il se trouvait à environ 1 mètre au sud de l'entrée du cimetière de l'église d'Estuna (comté de Stockholm), dans la partie haute du mur d'enceinte, le côté avec les gravures tourné vers le bas.
"Pendant des mois, toutes les semaines, je suis passée devant la petite et belle église médiévale d'Estuna, à un peu moins d'un kilomètre au nord de Norrtälje, et j'ai vu qu'ils reconstruisaient le mur du cimetière. À chaque fois, je me suis demandée s'il allait y avoir des découvertes de pierres runiques en sachant à quel point il est courant d'en trouver dans les murs des cimetières d'églises médiévales. Estuna est également connue pour d'autres belles trouvailles, notamment pour un dépôt de pointes de lance et de flèches mis au jour en 1964 dans le cimetière", a déclaré Laila Kitzler Åhfeldt, professeure associée en Archéologie et chercheuse dans le domaine de la recherche runique au Riksantikvarieämbetet, l'Office national du Patrimoine.
Des oiseaux de proie à Estuna
Prévenue par le Conseil d'administration du comté de Stockholm, Laila Kitzler Åhfeldt s'est rendue sur place pour examiner le fragment de pierre runique en grès rouge. Il mesure environ 33 centimètres par 36 et ne comporte aucune inscription runique. Cependant, en l'examinant de plus près, l'experte a rapidement identifié une gravure représentant un oiseau - un animal également présent sur certains des fragments les plus anciens d'Estuna, U 574 et U 576B.
Sur le fragment de pierre runique U 574 figure un oiseau tenant un serpent entre ses griffes. D'après le spécialiste des runes Sigmund Oehrl, chercheur et chef du projet au département d'Archéologie de l'Université de Stockholm, cette scène pourrait symboliser le Christ triomphant du diable, un motif ancien et très répandu qui serait inspiré de la tradition classique et de l'iconographie impériale romaine.
Sur le fragment de la U 576B figure un oiseau agrippé à une branche de croix incomplète. S'il pourrait sembler logique qu'il soit positionné au sommet de cette croix, à l'instar des tétras gravés sur les pierres de l'île de Södertörn, Laila Kitzler Åhfeldt penche plutôt en faveur d'une branche latérale en raison de la courbure du bandeau comportant les inscriptions runiques. L'oiseau, penché en avant comme pour picorer quelque chose, évoque selon elle un rapace.
En comparant ces différents blocs, l'experte n'exclut pas le fait que le sixième fragment fasse partie de la même pierre runique car ils ont la même largeur, à peu près la même épaisseur et le bandeau runique adopte une même courbe. En outre, l'examen de la surface des zones de fracture révèle une alternance identique des strates rouges et jaune pâle du grès.
Du symbolisme des oiseaux sur les pierres runiques
Diverses espèces d'oiseaux sont représentées sur les pierres runiques, souligne la chercheuse. Sur celles de l'île de Södertörn, il est surtout question d'oiseaux ressemblant aux tétras, comme par exemple sur Sö 270, Sö 245, Sö 247.
Mais sur les pierres historiées de l'île de Gotland, des canards, des cygnes et des oiseaux de proie ont été identifiés, tandis que dans le Västergötland, sur la pierre de Sparlösa (Vg 119) qui date du VIIIème siècle, une grue semble se faire attaquer par une créature mythique et deux autres oiseaux ont été gravés au-dessus de la vergue d'une voile de navire.
À Odensala, c'est un paon qui décore la pierre runique de Harg (U 448).
Dans ses travaux sur le symbolisme des oiseaux (cf. le pdf en ligne Situne Dei), Anne-Sofie Gräslund, archéologue à l'Université d'Uppsala, explique notamment que le paon à l'époque du christianisme primitif est un symbole d'immortalité, de résurrection, voire même du paradis, quand dans la mythologie nordique le coq a la capacité par son chant de réveiller les morts avant le Ragnarök et d'alerter les dieux.
Une cape d'invisibilité
La gravure de Ramsund (Sö 101), datée des environs de l'an 1000, donne à voir des oiseaux perchés dans un arbre. L'un d'entre eux a le dos courbé et la queue rayée comme sur le fragment U 576B d'Estuna.
Cette gravure, réalisée à la surface d'un grand rocher plat situé dans la commune d'Eskilstuna (comté du Södermanland), évoque une scène de l'histoire mythique du héros Sigurd. Alors que ce dernier fait rôtir sur le feu le cœur du dragon Fáfnir, il se brûle et porte sa main à la bouche. Ingérant par ce geste du sang de la créature, il acquiert la capacité de comprendre le langage des oiseaux qui lui révèlent le projet de Regin de le tuer et de s'emparer de son cheval et de son épée.
Les oiseaux peuvent également être le symbole d'une activité. C'est le cas des oiseaux de proie souvent associés à la fauconnerie, en particulier lorsqu'ils sont représentés avec un cavalier - un motif qui a des origines très anciennes et qui apparaît sur toutes sortes d'objets d'art.
"C'est un peu étrange que le fragment de pierre runique ait pu passer inaperçu à cette hauteur et si près du passage des fidèles, mais il n'y a vraiment rien de surprenant lorsqu'il s'agit de pierres runiques. Parfois, elles semblent revêtues d'une cape d'invisibilité", conclut Laila Kitzler Åhfeldt.
- Source: www.k-blogg.se (traduction et réécriture / Kernelyd)
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