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Suède - La pierre de Rök, érigée à l'Âge Viking par crainte d'une catastrophe climatique, selon une nouvelle étude

Depuis plus de cent ans, les chercheurs tentent de déchiffrer le sens de ses inscriptions et de le relier à des actes héroïques. Mais selon une récente étude, la pierrre de Rök, l'une des pierres runiques les plus célèbres du monde, aurait été érigée par les Vikings afin de conjurer une nouvelle crise climatique après la survenue de famines et de phénomènes météorologiques désastreux en Scandinavie.

Datée à la fin du IXème siècle, la pierre de Rök dressée près du lac Vattern, dans la province d'Östergötland, le centre-sud de la Suède, porte l'inscription runique la plus longue du monde avec plus de 700 runes parfaitement lisibles couvrant ses cinq côtés.

Une approche collaborative et interdisciplinaire entre quatre chercheurs montre à présent comment le monument peut être compris dans le contexte socioculturel et religieux du début de l'Âge Viking en Scandinavie.

"La clé pour déchiffrer l'inscription était l'approche interdisciplinaire. Sans ces collaborations entre la Philologie, l'Archéologie, l'Histoire des religions et la Runologie, il n'aurait pas été possible de résoudre les énigmes de la pierre runique de Rök", a expliqué Per Holmberg, professeur agrégé de langues scandinaves à l'Université de Göteborg, qui a dirigé l'étude.

 

Une grande anxiété traduite en runes 

Suède - La pierre runique de Rök - Photo: Håkan SvenssonLes linguistes ont établi que la pierrre de Rök a été érigée en mémoire d'un fils défunt, mais la signification exacte de l'ensemble du texte continuait à leur échapper, car des parties sont manquantes là où la pierre a été endommagée et différentes formes d'écriture le composent. Depuis lors, le monument restait l'objet de spéculations en tout genre, si ce n'est contradictoires.

D'après des recherches antérieures et notamment la lecture de Bo Ralph, linguiste et professeur en langues nordiques au département des Études de Langue suédoise à l'Université de Göteborg, la pierre évoquerait les actes héroïques de "Théodoric", en référence à Théodoric le Grand, un souverain des Ostrogoths, membre de la dynastie des Amales, ayant régné en Italie au VIème siècle. 

Mais une récente étude, publiée le 7 Janvier 2020 dans la revue scientifique annuelle Futhark: International Journal of Runic Studies, menée par des chercheurs de trois universités suédoises - Per Holmberg de Göteborg, Olof Sundqvist de Stockholm, Bo Gräslund et Henrik Williams d'Uppsala- affirme qu'il n'en est rien. Ces derniers font état d'une tout autre interprétation. "L'inscription traite d'une anxiété déclenchée par la mort d'un fils et de la peur d'une nouvelle crise climatique semblable à la catastrophe survenue après l'an 536 de notre ère" avancent les auteurs.

 

De la mémoire du Grand Hiver

La crise survenue au VIème siècle a selon toute vraissemblance été causée par une série d'éruptions volcaniques qui influèrent sur le climat de manière dramatique avec des températures moyennes plus basses et plusieurs années sans été. S'ensuivirent des récoltes ruinées, la famine, la peste et donc des extinctions de masse.

La population de la péninsule scandinave aurait diminué d'au moins 50%, selon l'estimation de Bo Gräslund, professeur d'Archéologie à l'Université d'Uppsala. Cela se vérifie par une dimunition drastique du nombre de sites, en Suède comme en Norvège, où les archéologues parviennent à trouver quelque chose d'intéressant, soit une baisse de 70% à 90% des découvertes archéologiques sur cette période.

Les chercheurs soulignent que la mémoire de ces événements a sans doute fait l'objet d'une transmission. Elle pourrait peut même avoir influencé la mythologie nordique où il est question du Fimbulvetr, nom donné au Grand Hiver censé durer trois ans et annonciateur des Ragnarök, la fin du monde dans les croyances de l'Âge Viking. [Lire à ce sujet sur Idavoll: Le fimbulvetr, le long et rude hiver de la mythologie nordique, n'est pas une affabulation]

 

Neuf énigmes sur le soleil et Odin

Alors que des parties du texte en runes donnaient à penser qu'il était question de la description d'anciens combats héroïques, antérieurs de plus d'un siècle à la date d'édification du monument, les chercheurs suédois pensent qu'il pourrait s'agir d'un tout autre type de bataille mis en exergue: "Le conflit entre la lumière et les ténèbres, la chaleur et le froid, la vie et la mort". 

Au regard de la précédente catastrophe climatique, Bo Gräslund, souligne plusieurs raisons pour lesquelles les gens - dont l'auteur du texte de la pierre de Rök, Varinn - pouvaient craindre que cela se reproduise: "Avant que la pierre runique de Rök ne soit érigée, un certain nombre d'événements se sont produits qui ont dû sembler extrêmement inquiétants: une puissante tempête solaire a embrasé le ciel de spectaculaires teintes rouges, les récoltes ont souffert d'un été extrêmement froid, et plus tard une éclipse solaire s'est produite juste après le lever du soleilUn seul de ces événements aurait suffi à faire craindre un autre 'Fimbulvetr'."

La longue inscription runique se composerait, selon les chercheurs, de neuf énigmes. La réponse à cinq de ces énigmes est "le soleil". L'une d'entre elles par exemple est une énigme demandant qui était mort mais qui vit à nouveau désormais. Les quatre autres énigmes concernent Odin et ses guerriers. "La puissante élite viking se considérait comme garante de bonnes récoltes. Elle présidait au culte permettant de maintenir le fragile équilibre entre la lumière et l'obscurité. Et enfin, lors des Ragnarökr, elle devait prendre les armes aux côtés d'Odin afin de remporter la bataille finale pour la lumière", explique Olof Sundqvist, professeur d'Histoire des religions à l'université de Stockholm.

Cette nouvelle lecture de la pierre de Rök a permis d'établir des parallèles évidents entre plusieurs passages de l'inscription runique et d'autres textes en vieux norrois que personne n'a notés auparavant. "Pour moi, c'était presque comme découvrir une nouvelle source littéraire de l'Âge Viking. La réponse de la Suède à l'Edda poétique islandais!", a confié Henrik Williams, professeur de langues scandinaves spécialisé en Runologie à l'Université d'Uppsala.

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