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Suède - L'Âge Viking, point culminant de la migration vers la Scandinavie dans l'Histoire

Une équipe internationale de chercheurs coordonnée depuis Stockholm et Reykjavik a analysé le développement du pool génétique scandinave au cours des 2000 dernières années, parvenant à élucider les relations complexes entre la géographie, l'ascendance et le flux génétique dans cette partie de l'Europe. Une augmentation surprenante de la variation des gènes au cours de l'Âge Viking indique que la migration vers la Scandinavie a été particulièrement intense à cette époque.

Pour leur recherche, les scientifiques se sont appuyés sur des génomes historiques et préhistoriques provenant de matériel mis au jour en Scandinavie; 297 génomes anciens ont ainsi été comparés aux données génomiques de 16 638 Scandinaves de notre époque. Comme l'origine géographique et les datations étaient connues pour tous ces individus, il a été possible de déterminer avec une précision jamais atteinte jusqu'à présent, le développement du pool génétique.

L'étude, dirigée par le Dr Ricardo Rodríguez Varela et le professeur Anders Götherström de l'Université de Stockholm, ainsi que le professeur Agnar Helgason et Kristjáan Moore de deCODE à Reykavijk, a été publiée le 5 Janvier 2023 dans la revue scientifique Cell. Elle montre que l'Âge Viking a été un point culminant de la migration vers ce qui est aujourd'hui la Suède.

"Avec ce niveau de résolution, nous ne confirmons pas seulement la migration de l'Âge Viking. Nous sommes également en mesure de la retracer depuis la région de la Baltique orientale, les îles anglo-irlandaises et le sud de l'Europe. Mais toutes les parties de la Scandinavie n'ont pas reçu les mêmes quantités de flux génétiques de ces régions. Par exemple, alors que l'ascendance anglo-irlandaise s'est répandue en Scandinavie, l'ascendance de la Baltique orientale a principalement atteint Gotland et le centre de la Suède", a déclaré le Dr Ricardo Rodríguez Varela du Centre de paléogénétique.

 

À la recherche d'ADN ancien

Les scientifiques savaient déjà, grâce à l'ADN ancien, que la Scandinavie avait été un foyer de l'immigration en provenance d'Europe du Nord et des îles britanniques à l'époque viking, environ entre 750 et 1050 de notre ère. Mais il est moins évident de savoir à quoi ressemblait l'immigration avant et après cette période.

Une grande partie de cette incertitude découle de la façon dont les gens de l'époque s'occupaient de leurs défunts. "Les Suédois de l'Âge du Fer avaient la fâcheuse habitude de pratiquer la crémation", explique l'archéologue de l'université d'Aarhus, Søren Sindbæk, qui n'a pas participé à la recherche. Or, les corps brûlés ne laissent pas d'ADN.

Pour trouver du matériel génétique de la période pré-viking, Anders Götherström et ses collègues se sont donc tournés vers des sites présentant des personnes décédées dans des circonstances inhabituelles, comme Sandby Borg.

 

Le massacre de Sandby Borg

Suède - Vestiges de la forteresse de Sandby Borg sur l'île d'Öland - Photo: Sebastian JakobssonDes fouilles en 2014 sur l'île d'Öland, au large de la côte sud de l'actuelle Suède, ont révélé la présence d'un forteresse aux murs de terre et de pierre, connue sous le nom de Sandby Borg, dont les habitants ont été massacrés vers 450 de notre ère. Les ossements des victimes n'ont été ni enterrés, ni brûlés. "Ce ne fut pas une bonne chose pour eux, mais cela s'est avéré une aubaine pour moi", confie Anders Götherström.

Les archéologues ne savent pas si les assaillants étaient des insulaires rivaux ou des pillards d'outre-mer. Ce dont ils sont certains, c'est que des dizaines d'hommes, de femmes et d'enfants ont été tués lors d'une attaque surprise. Les assaillants ont laissé les corps sur place et le site est resté à l'abandon. "Il n'a jamais été réoccupé", souligne Kerstin Lidén, archéologue à l'Université de Stockholm. "C'est un événement très particulier", et l'un des massacres les plus brutaux de cette époque.

Cette tragédie, et une autre qui s'est produite plus de 1000 ans plus tard, ont livré aux scientifiques un instantané sans précédent de la Scandinavie avant et après l'Âge Viking. 

 

Un afflux d'immigrants en Scandinavie dès le début de l'Âge Viking

Les chercheurs ont réussi à décoder les génomes anciens de 6 hommes et 1 femme morts à Sandby Borg. Leur ADN, ainsi que des échantillons provenant d'une poignée d'autres sites anciens, ont montré que les Scandinaves de l'Âge du Fer, quelques siècles avant l'Âge Viking, étaient génétiquement similaires les uns aux autres et apparentés aux Suédois d'aujourd'hui.

D'autres génomes provenant d'autres sites confirment qu'aux alentours de 750 de notre ère, alors que de nouvelles techniques de navigation permettaient aux marchands et aux pillards scandinaves de voyager loin de chez eux, la Scandinavie a connu un afflux d'immigrants.

Les personnes d'ascendance génétique des îles britanniques, de la Baltique orientale et d'ascendance "ouralienne" de Sibérie apparaissent alors dans différentes parties de la Scandinavie. Il y a, par exemple, davantage d'ascendance occidentale en Suède et au Danemark et une influence de l'Est sur l'île de Gotland. "Ils [ces flux] confirment l'idée qu'il y a une reprise des contacts avec les personnes à l'étranger durant l'Âge Viking", argue Søren Sindbæk.

 

Les migrants ont eu moins d'enfants

Une autre tragédie a fourni à l'équipe de scientifiques une preuve supplémentaire de l'immigration à l'Âge Viking. En 1676, un navire de guerre suédois appelé le Kronan a chaviré et partiellement explosé dans la Baltique, à seulement 6 kilomètres au large d'Öland, emportant avec lui au moins 600 hommes. Depuis 1981, des plongeurs ont récupéré des pièces de monnaie, des textiles, du matériel militaire et des dizaines de squelettes dans les eaux profondes, froides et pauvres en oxygène. "C'est comme un réfrigérateur", indique Anders Götherström. "Ils sont si bien conservés qu'ils ressemblent à des échantillons modernes."

Les gènes des marins du Kronan, des officiers de la classe supérieure aux équipages du pont inférieur, ont ainsi fourni un échantillon représentatif de la société suédoise de l'époque. La plupart des squelettes appartiennent à des hommes dans la vingtaine et la trentaine. "Ils ne recrutaient pas de mercenaires à cette époque", explique Lars Einarsson, archéologue au musée de Kalmar et directeur des fouilles sous-marines du Kronan . "La plupart de l'équipage est originaire de ce qui était la Suède actuelle.

Les hommes qui sont morts à bord du Kronan ressemblaient étroitement aux Suédois de nos jours et présentent de fortes similitudes avec les habitants de Sandby Borg, ce qui suggère que l'immigration de l'Âge Viking en provenance des îles britanniques et de l'est de la Baltique n'a pas laissé beaucoup de marque sur le profil génétique des Scandinaves.

"Nous ne nous attendions pas à cela", admet Anders Götherström. "Il est intéressant de noter que l'ascendance non locale culmine pendant la période viking tout en étant plus faible avant et après. La baisse des niveaux actuels d'ascendance externe suggère que les migrants de la période viking ont eu moins d'enfants, ou ont en quelque sorte proportionnellement moins contribué au pool génétique que les personnes qui étaient déjà en Scandinavie."

 

Une ascendance ouralienne présente dès la fin de l'Âge Viking

Les chercheurs ont avancé plusieurs hypothèses pour tenter d'expliquer le résultat de leur. D'après Ricardo Rodriguez Varela, co-auteur de l'étude et généticien, il est possible que les migrants de l'Âge Viking ne soient pas venus en Scandinavie pour s'installer et avoir des enfants mais plutôt en tant que commerçants ou diplomates, par exemple, ou bien en tant que membres d'une catégorie sociale qui n'était pas destinée à fonder une famille nombreuse: "Les moines chrétiens ou les esclaves ont moins de progéniture".

Toutefois, une autre de leur découverte sur l'histoire plus spécifique du pool génétique du nord de la Scandinavie, a mis en exergue une composante génétique rare en Europe centrale et occidentale que les scientifiques ont pu retracer tout au long des 1000 dernières années." Nous soupçonnions qu'il y avait une chronologie dans le pool génétique du nord de la Scandinavie, et cela a effectivement prouvé qu'un afflux plus récent d'ascendance ouralienne en Scandinavie définit une grande partie du pool génétique du nord. Mais s'il est récent, il ne l'est que relativement. Nous savons, par exemple, que cette ascendance ouralienne était présente dans le nord de la Scandinavie dès la fin de la période viking", précise le Dr Ricardo Rodríguez Varela.

"Nous travaillions sur un certain nombre d'études plus petites concernant différents sites archéologiques. Et à un moment donné, il était logique de les combiner dans une étude plus large sur le développement du pool génétique scandinave", conclut Anders Götherström.

 

En résumé

(Extrait de l'étude)

  • L'ascendance anglo-irlandaise a un impact sur la Scandinavie à partir de la période viking
  • L'ascendance de la Baltique orientale est plus localisée à Gotland et au centre de la Suède
  • Les Scandinaves modernes ont moins d'ascendance non locale que les échantillons de l'Âge Viking
  • Le cline génétique nord-sud est principalement dû à des niveaux différentiels d'ascendance ouralienne

 

 

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