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Norvège - De nouvelles recherches sur les tapisseries du bateau d'Oseberg

Des fragments de tapisserie vieux de 1200 ans provenant du bateau d'Oseberg font actuellement l'objet d'une reconstitution virtuelle dans le cadre du projet TexRec. L'objectif est de réinterpréter les significations et l'utilisation symbolique des tapisseries, mais aussi de rechercher les techniques de production et de teintures en vue d'une stratégie de conservation à long terme de tels ouvrages d'art.

Le bateau d'Oseberg est l'un des trois navires vikings les mieux conservés au monde. Avec ses 22 m de long et 5 m de large, il pouvait accueillir 30 rameurs, un barreur et une vigie. 

Bien que la majeure partie du bateau-tombe et du riche matériel funéraire aient été écrasés et brisés sous le poids du tumulus et des siècles, les squelettes de deux femmes ont été retrouvés à son bord, entourées de chariots en bois sculptés, de métiers à tisser, d'ustensiles de cuisine et de coffres contenant des fragments de tapisserie. Un puzzle ardu de pièces tissées qu'un projet novateur de recherche interdisciplinaire s'attache à résoudre.

 

Norvège - Fragments d'une ou de plusieurs tapisseries découverts à bord du bateau d'Oseberg - Photo: George Alexis Pantos, Musée d'Histoire culturelle d'Oslo80 fragments de tapisserie(s)

Une partie de ce que les archéologues ont trouvé lors des fouilles menées à proximité de Tønsberg, en 1904, consistait en plus de 80 fragments provenant d'une ou de plusieurs tapisseries. Ils pourraient être constitués de laine mélangée à des fibres végétales.

Parmi les motifs sur les tissus figurent des guerriers, hommes et femmes, ainsi que des scènes religieuses et cérémonielles. Un groupe interdisciplinaire et international de chercheurs utilise actuellement des techniques d’imagerie et des méthodes d’analyse pour proposer une nouvelle interprétation de ces motifs.

La recherche sur les colorants et la dégradation des substances peut non seulement fournir des informations sur leurs couleurs d'origine, mais aussi révéler où les tissus ont été fabriqués.

Les tapisseries étaient probablement réservées aux personnes de haut rang pour décorer leur intérieur, les chambres funéraires ou les grandes halles lors d'événements festifs. Le fait d'en trouver dans le bateau-tombe d'Oseberg indique donc que les deux femmes étaient riches au point d'emporter avec elles ces ouvrages d'art dans l'au-delà.

 

Des tissus trop fragiles pour être déplacés

Les chercheurs, répartis en 4 groupes de travail, ont pour objectif d'assembler chacun des fragments dont ils disposent pour reconstituer la scène qu'ils représentent, d'effectuer une analyse chimique de la teinture utilisée par les anciens Scandinaves et de préparer une stratégie de conservation des tissus en développant de nouvelles techniques de consolidation à base de biopolymères.

Ils travaillent ensemble dans le cadre du projet TexRec - un projet collaboratif entre le Musée d'histoire culturelle (KHM), l'Université norvégienne des Sciences et Technologies (NTNU), le Centre national d'Hydrodynamique macromoléculaire de l'Université de Nottingham (NCMH) et l'Institut Leibniz pour les matériaux interactifs d'Aix-la-Chapelle (CFA) - financé par le Conseil norvégien de la Recherche.

En Norvège, c'est le le Colourlab du NTNU à Gjøvik, les archéologues du Musée d'Histoire culturelle et les conservateurs de textiles du Musée universitaire de Bergen qui collaborent pour assembler les fragments de tapisserie du navire Oseberg.

"Les pièces sont extrêmement fragiles et les archéologues ne peuvent pas les déplacer physiquement. Nous développons donc un logiciel leur permettant de télécharger des photographies des fragments qu'ils peuvent manipuler. Il leur est également possible d'augmenter le contraste des images pour rendre les motifs mieux visibles à l’œil nu. C’est ainsi que nous pourrons résoudre numériquement le puzzle", explique Davit Gigilashvili, chercheur postdoctoral au Département d'Informatique du NTNU à Gjøvik.

 

L'intelligence artificielle à la rescousse

"C'est un puzzle absolument passionnant à reconstituer car personne au monde n'en connaît encore le résultat", confie Davit Gigilashvili.

Lorsque que quelqu'un réalise un puzzle ordinaire, l'image finale qu'il faut reconstituer se trouve sur le couvercle de la boîte. Mais que se passe-t-il lorsque cette image et des pièces qui la composent sont manquantes, que les couleurs se sont estompées et que de nombreuses pièces ont été détruites après avoir reposé 6 mètres sous terre pendant plus d'un millénaire ou ont été ravagées par des pilleurs de tombes?

"Nous ne savons pas non plus combien de tapisseries il y avait à bord du bateau d'Oseberg avant que les motifs ne commencent à se désagréger. En d’autres termes, lorsque l’on compare deux fragments, nous n’avons pas la garantie qu’ils appartiennent à la même pièce tissée", explique le post-doctorant.

Ils ont donc eu recours à un ordinateur pour suggérer des assemblages grâce à l’intelligence artificielle. Des algorithmes identifient chaque morceau de tissu ancien et chaque motif, puis les comparent aux autres fragments.

 

"Imiter le comportement des archéologues"

Ce travail est l'une des premières tentatives d'application des modèles d’apprentissage automatique au réassamblage de tissus archéologiques. Ils fonctionnent grâce à des millions de données telles que des photos de chats et de chiens, d'autobus et de vélos, qu'ils ont appris à distinguer. Mais ils n’ont jamais intégré des tissus de l’époque viking. Par conséquent, ils font souvent des erreurs.

Dans la revue académique Journal of Imaging Science and Technology qui a récemment publié leurs travaux de recherche, Davit Gigilashvili et ses co-auteurs affirment que de grands ensembles de données d'images sont nécessaires pour entraîner les modèles, bien que cela ne suffise pas toujours pour que les ordinateurs et les logiciels se révèlent utiles.

La technologie informatique doit, selon eux, être coordonnée avec les connaissances des archéologues, qui émettent des hypothèses sur les fragments qui s'assemblent et peuvent déterminer si les résultats sont cohérents.

"Les archéologues peuvent découvrir des similitudes dans le style et les techniques de fabrication qui peuvent indiquer si des fragments vont ensemble. Les machines devraient à terme s'en inspirer et imiter le comportement des archéologues. Même si les ordinateurs peuvent fournir des suggestions intéressantes et une aide précieuse, l’expertise humaine dans ce métier est irremplaçable et le restera encore dans un avenir proche", estime Davit Gigilashvili.

De nouvelles connaissances sur la vie des anciens Scandinaves pourraient émerger de la reconstitution des tapisseries de l'Âge Viking. Et en plus d'aider les archéologues, conclut le chercheur, le logiciel pourra être utilisé dans des jeux informatiques et dans l'enseignement sur le patrimoine culturel et la vie à l'Âge Viking.

 

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