Les Açores - Les Vikings auraient colonisé l'archipel 700 ans avant les Portugais
- Le 10/10/2021
- Dans Archéologie
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La colonisation des îles des Açores a commencé 700 ans plus tôt que la date officielle de la découverte de l'archipel par les Portugais au XVème siècle. C'est la principale conclusion d'une nouvelle recherche menée par une équipe internationale multidisciplinaire de scientifiques, avec la participation du Conseil supérieur de la Recherche scientifique espagnol (CSIC).
Dans l'étude publiée le 12 Octobre 2021 dans la revue de l'Académie américaine des Sciences PNAS, les chercheurs sont non seulement en mesure de cibler une période, mais aussi de montrer comment et sous quelles conditions climatiques les îles ont été occupées, en plus des impacts des premiers établissements humains sur les écosystèmes, grâce aux analyses de carottes de sédiments récupérées dans plusieurs lacs de l'archipel.
Les auteurs suggèrent que ces premiers colons sont venus du nord de l'Europe, et que leur arrivée s'est produite en conjonction avec des conditions climatiques favorables pour permettre de naviguer vers ces îles volcaniques, situées à quelques 1450 kilmètres des côtes européennes.
Entre le VIIIème et la moitié du IXème siècle
Il était admis jusqu'à présent que la chaîne des 9 îles volcaniques, située dans l'Atlantique Nord à 1500 miles nautiques au large des côtes du Portugal, était vierge de toute occupation humaine au moment de sa découverte par les Portugais, alors en quête de nouvelles routes vers l'Asie.
D'après les sources historiques, Diogo de Silves, sous les ordres de l'infante Dom Henrique (Henri le Navigateur), arriva le premier sur l'île de Santa Maria en 1427. La reconnaissance complète de l'archipel s'effectua sur plusieurs années à partir de 1432 avec Gonçalo Velho Cabral, et s'acheva en 1452 avec Diogo de Teive qui atteint les îles Flores et Corvo.
Toutefois, 30 scientifiques internationaux sont parvenus, en croisant leurs disciplines, à établir que des hommes ont occupé les îles des Açores pour la première fois à la fin du Haut Moyen Âge, entre 700 et 850 de notre ère.
Selon Santiago Giralt, chercheur à Geosciences Barcelona et co-auteur de l'article: "cette étude met en évidence que, même avec de nombreuses informations historiques disponibles permettant d'avoir une image très précise du passé, il est nécessaire de favoriser la recherche interdisciplinaire, dont les Sciences Humaines et Naturelles, pour bien comprendre notre Histoire."
Les premiers colons ont introduit les grands mamifères
En utilisant des techniques analytiques géologiques, chimiques, physiques et biologiques, les chercheurs ont daté et examiné 5 carottes de sédiments prélevées dans les lacs des îles São Miguel, Pico, Terceira, Flores et Corvo.
Dans les échantillons de sédiments, ils ont trouvé à la fois des stérols, qui constituent une fraction de la matière organique abondante dans les excréments des mammifères, ainsi que des spores fongiques coprophiles. Or, la présence de tels marqueurs biogéochimiques peut être interprétée comme l'indice d'une activité humaine liée à l'introduction du bétail.
"Les stérols et les stanols fécaux sont produits en grande abondance dans les voies intestinales des mammifères et sont bien conservés dans les sédiments lacustres, fournissant un traceur unique et sans ambiguïté de la présence de grands mammifères au cours des périodes considérées", a expliqué Timothy Shanahang, chercheur à l'Université du Texas et co-auteur de l'étude. "En outre, les composés (tels que le coprostanol et le stigmastanol) produits dans les intestins des humains et du bétail diffèrent, ce qui nous permet de les distinguer".
"En raison de sa situation géographique, au milieu de l'océan Atlantique, les grands mammifères n'étaient pas présents dans les îles des Açores. Par conséquent, la découverte de coprostanol dans les sédiments peut être attribuée à la présence humaine, et la découverte de stigmastanol peut être attribuée aux ruminants, tels que les vaches, les moutons ou les chèvres", a déclaré Santiago Giralt.
Plus de particules de charbon de bois, moins de pollens d'arbres indigènes
Les scientifiques ont également eu recours à d'autres indicateurs, tels que le pollen, les macrofossiles végétaux ou les particules de charbon de bois, pour étudier les impacts humains sur l'environnement de l'archipel.
"Comme nous le démontrons dans ces travaux, les premiers établissements humains dans ces îles ont entraîné une profonde perturbation environnementale et écologique. Bien que des sources documentaires officielles décrivent les Açores comme fortement boisées et vierges, cette étude met en évidence le défi que représente le fait de s'appuyer sur les archives historiques pour identifier les états relatifs des écosystèmes ou les perturbations dans l'environnement", a souligné Pedro Raposeiro, chercheur à l'Université des Açores et auteur principal de l'étude.
L'impact de l'activité des premiers colons se traduit par une augmentation des particules de charbon de bois et une baisse de l'abondance de pollens d'arbres indigènes, ce qui signifie peut-être que les hommes ont abattu et brûler des arbres pour libérer de l'espace pour le bétail, a-t-il précisé.
Les vents en faveur des Vikings
Des simulations climatiques ont été réalisées pour mieux comprendre les conditions climatiques lors de l'occupation initiale de l'archipel.
D'après les modèles climatiques qu'ils ont recréés mais aussi grâce à des études archéologiques et génétiques précédemment publiées, les auteurs de l'étude estiment que les premiers colons des Açores étaient très probablement d'origine scandinave. Ces explorateurs-nés et marins accomplis ont en effet trouvé des conditions climatiques favorables qui leur ont permis de naviguer vers l'archipel pendant une période de vents du nord anormaux et de vents d'ouest affaiblis, ce qui a facilité leur arrivée depuis le nord de l'Europe.
"En raison de la rotation de la Terre, les vents d'ouest dominent dans l'océan Atlantique, lesquels se renforcent ou s'affaiblissent selon l’oscillation nord-atlantique (O.N.A.), le principal modèle climatique qui contrôle la circulation atmosphérique dans l'hémisphère nord. L'ONA est modulée en même temps par les flux de l'Atlantique Est, qui contrôle l'intensité des vents du nord", a expliqué Santiago Giralt.
Ces mêmes vents auraient rendu relativement difficile la traversée vers les Açores pour les marins venant du continent portugais, ajoute Pedro Raposeiro qui rappelle que dès 789, la présence de Vikings naviguant et pillant le long des côtes du nord et de l'ouest de l'Europe est enregistrée dans les chroniques historiques. Cependant, il n'est pas possible de savoir quand ces premiers colons des Açores ont disparu car les découvreurs portugais qui ont exploré à leur tour l'archipel au XVème siècle l'ont décrit comme un ensemble d'îles vierges.
Des souris aux doutes
Cette nouvelle recherche fait suite à une étude de 2015 de l'Université de Cornell à Ithaca au cours de laquelle Jeremy Searle et ses collègues ont démontré des similitudes génétiques entre les souris des Açores et celles du Nord de l'Europe. Ces rongeurs qui embarquaient volontiers à bord des navires, sont promptes à prospérer sur des îles aux ressources abondantes et avec peu de concurrents ou de prédateurs, a spécifié Searle qui n'a pas participé aux récents travaux sur les Açores. Il considère d'ailleurs les souris comme des "artefacts vivants" marqueurs d'une présence viking.
Si l'étude démontre de manière convaincante que des gens ont vécu aux Açores dès le VIIIème siècle, Simon Connor, géographe à l'Université nationale australienne qui étudie la paléoécologie de l'archipel, n'est pas encore persuadé qu'il s'agissait de colons d'origine scandinave.
Il estime que les vents défavorables n'ont peut-être pas empêché des marins portugais déterminés d'atteindre l'archipel depuis le continent. Quant aux souris, en raison du large réseau de routes commerciales de l'époque, elles auraient facilement pu passer d'un bateau viking à un bateau provenant de l'actuel Portugal et naviguer vers les Açores. "Certes, il est possible que ce soit des scandinaves", concède Simon Connor. "Les Vikings étaient de grands, de très grands marins. … Mais cela pourrait être n'importe qui".
- Sources: www.csic.es, www.eurekalert.org, www.science.org, www.dailymail.co.uk (traduction et réécriture Kernelyd)
- Lire l'étude: Climate change facilitated the early colonization of the Azores Archipelago during medieval times
viking archéologie Portugal Açores colonie
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