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Estonie - Deux bateaux-tombes à Salme remettent en question le début de l'Âge Viking

La découverte de deux bateaux-tombes à Salme donne à penser que le "phénomène" viking couvait bien avant l'assaut des hommes du Nord sur Lindisfarne en 793.

Pour les historiens, l'Âge Viking a commencé le 8 juin 793, lors de l'attaque du monastère de Lindisfarne situé sur la côte Nord de l'Angleterre. Toutefois, une récente découverte du côté de la mer Baltique, à Salme, dans le sud de Saaremaa, la plus grande île estonienne, vient bousculer les idées établies. 

Les deux bateaux-tombes sur le site donnent l'impression d'une fosse commune aménagée à la hâte pour accueillir le dernier repos des guerriers, décédés lors d'une expédition sur l'île de Saaremaa. À moins qu'ils n'aient été déplacés sur cette plage pour éloigner les défunts de leurs ennemis. Mais pour les archéologues, leur origine ne fait aucun doute. ​"Nous sommes tous d'accord pour dire que ces sépultures sont d'origine scandinave", explique Marge Konsa, archéologue à l'université de Tartu.  

Les archéologues pensent que les hommes ont été tués au cours d'une bataille entre 700 et 750, soit avant le début "officiel" de l'Âge Viking. C'était alors l'Âge de Vendel, une période de transition qui n'était pas réputée jusqu'alors pour des voyages de grande envergure - ni même pour la navigation à voile.

 En résumé

Salme I

10 à 11,5 mètres de long x 2 mètres de large - 12 rames

  • 7 squelettes (hommes âgés de 18 à 45 ans)
  • 2 fers de lance
  • Plusieurs morceaux d'épées
  • 1 hache à douille
  • 18 couteaux
  • 6 pointes de flèche
  • 1 peigne en os
  • 2 dés
  • 8 pierres à aiguiser
  • 275 rivets

 

Salme II

17 mètres de long x 3,50 mètres de large

  • 34 squelettes empilés sur 4 couches
  • 2 chiens et 1 faucon
  • 40 morceaux d'épées de différentes sortes
  • 14 boucliers
  • 91 pointes de flèche
  • 15 peignes en os et en corne
  • 251 pièces de jeu en os de baleine et en bois
  • 7 dés
  • Des morceaux de tissu pouvant correspondre aux vestiges d'une voile
  • Plus de 1200 rivets

Un premier bateau en 2008

En 2008, des ouvriers qui creusaient des tranchées dans la petite ville insulaire de Salme pour passer des câbles électriques, ont découvert des ossements humains et un ensemble d'objets aussi diverses qu'étranges qu'ils ont entassés, sans plus de cérémonie, sur le côté de leur ouvrage. Les autorités locales ont d'abord supposé que les restes appartenaient à un infortuné soldat de la Seconde Guerre mondiale, jusqu'à ce que l'archéologue Marge Konsa arrive sur place et reconnaisse, parmi les artefacts, un fer de lance et des pièces de jeu en os sculptées. Des indices évidents montrant qu''il était question d'une période bien plus ancienne.  

Avec une petite équipe, Konsa commença les recherches et trouva rapidement les traces laissées par la coque d'un bateau. Presque tout le bois du vaisseau avait pourri, ne laissant qu'une empreinte plus sombre dans le sol. Mais 275 des rivets en fer servant à tenir ensemble les planches à clin étaient restés en place, permettant aux chercheurs de reconstituer les contours d'un bateau long de 11,5 mètres et large de 2 mètres.

Une découverte exceptionnelle à la fois quant au lieu et quant à la période historique: "Ce n'est pas un bateau de pêche, c'est un bateau de guerre", a indiqué Konsa. D'après la datation au radiocarbone de minuscules fragments de bois, l'archéologue a estimé que le navire remontait à une période comprise entre 650 et 700, et qu'il avait fait l'objet de maintes réparations au cours de nombreuses décénies avant d'entamer son dernier voyage. Il n'avait pas de voile et devait donc être propulsé par des rames, au nombre de 12, sur de courtes distances le long de la côte baltique, ou entre les îles pour faire le voyage de la Scandinavie vers les territoires de pêche plus à l'Est.

À partir des ossements retrouvés à l'intérieur du bateau, Konsa fut en mesure de reconstituer les squelettes de 7 hommes, tous âgés de 18 à 45 ans. Elle mit également au jour des couteaux, des pierres à aiguiser et un peigne en os.

 

En 2010, "Salme 2" ou le premier navire viking de l'Histoire

Estonie - Le plus grand des deux bateaux tombes découvert à Salme - Photo: Liina Maldre, Université de TallinnDeux ans plus tard, Jüri Peets, un archéologue de l'Université de Tallinn, découvrit les vestiges d'un autre navire, beaucoup plus grand et, technologiquement, plus sophistiqué, à seulement une trentaine de mètres du premier bateau. Les ouvriers du chantier baptisèrent le navire Salme 2 - l'autre bateau, plus petit, devenant par conséquent Salme 1.

Si l'expansion des Vikings, de la Nouvelle-Écosse à Constantinople, fut rendue possible par leur maîtrise de la navigation, et en particulier l'équipement d'une voile, d'un point de vue archéologique il existe peu d'indices de l'existence de voilier avant environ 820, date à laquelle Oseberg fut construit. Découvert en 1904, le navire d'Oseberg fut utilisé pour l'enterrement d'une femme viking de haut rang en Norvège.

Le site de Salme vient bousculer tout cela, en apportant les premières preuves d'une navigation en mer Baltique près d'un siècle plus tôt, voire plus. Bien que là aussi, la majorité du bois ait disparu, en mesurant la position de plus de 1 200 clous et rivets et en examinant attentivement la décomposition du bois dans le sol, Peets put déterminer d'après la quille que Salme 2 mesurait environ 17 mètres de long et 3,50 mètres de large. L'amas de fer et de bois au centre du bateau ainsi que la découverte de morceaux de tissu indiquent, selon toute vraissemblance pour l'archéologue, la présence d'un mât et d'une voile.

 

Plusieurs décennies avant l'Âge Viking

Salme 2 serait donc le plus ancien voilier de la Baltique. Et d'autres chercheurs sont enclins à penser la même chose que Peets. "J'aurais tendance à penser que le grand navire de Salme serait le batiment idéal où trouver le premier exemple d'une voile avant l'Âge Viking", a expliqué Jan Bill, archéologue et spécialiste des navires vikings à l'université d'Oslo avant d'ajouter: "C'est une taille de navire pour laquelle une voile prendrait tout son sens". 

Salme 2, construit, voguant et s'échouant près d'un demi-siècle ou plus encore avant que les premiers raids sur l'Angleterre n'annoncent l'aube de l'Âge Viking est, à bien des égards, un authentique navire viking. Il était très certainement capable de traverser la haute mer entre la côte suédoise et l'île de Saaremaa, séparée d'une distance d'environ 180km. Le navire prouve également que la technologie clé de l'Âge Viking a pris forme au moins des décennies, voire peut-être presque un siècle entier, avant la date "officielle".

Comme son voisin, Salme 2 a emmené tout un équipage avec lui pour son dernier voyage. "Trois jours après que nous ayons commencé à creuser, une épée a été découverte, et après quelques jours, des squelettes alignés ont commencé à apparaître", a rapporté Ragnar Saage, un étudiant diplômé qui a participé aux fouilles avec Peets sur le site. Il a fallu deux étés et un travail minutieux pour mettre au jour tous les corps: 34 en tout, empilés soigneusement sur quatre niveaux. "Nous ne pouvions pas en croire nos yeux", a confié Saage. "C'était un sentiment étrange de découvrir ce genre de site."

 

"Les squelettes étaient couverts de boucliers"

Face à ces singulières sépultures, Peets et Konsa conviennent que les navires furent probablement ensevelis en même temps, dans le cadre du même événement. En se fondant sur la construction des bateaux, les artefacts et les ossements trouvés à l'intérieur, les archéologues pensent que les défunts étaient des Scandinaves, probablement originaires de ce qui est aujourd'hui la Suède. Mais que faisaient-ils en Estonie?

Peets, qui a terminé les fouilles de Salme 2 en septembre 2012, a recueilli suffisamment d'informations pour esquisser un scénario de ce qui a pu se passer. Attirés de l'autre côté de la mer par la perspective d'un butin, que ce fut pour prélever un tribut des habitants ou pour assouvir une vengeance, les équipages dûrent affronter un ennemi redoutable sur cette plage isolée. Après une lutte acharnée, les survivants d'un des deux camps - il n'y a aucun moyen de dire s'il s'agissait des vainqueurs ou des perdants - rassemblèrent les corps et détruisirent de façon rituelle les épées des défunts en les passant au feu, pour les plier et les briser. lls eurent aussi le temps de tirer au moins deux des navires à 70 mètres de la plage en pente douce. Les 34 hommes de Salme 2, tous vigoureux et en bonne santé avant de tomber au combat, furent déposés à l'intérieur. 

Tout semble avoir été fait avec beaucoup de soin et de respect. "Les squelettes étaient couverts de boucliers, formant comme une couverture", a décrit Saage. Les 14 boucliers ont depuis longtemps pourri, mais leurs umbos de bronze et des fragments de leurs poignées témoignent de leur emplacement. Les hommes avaient été enterrés avec toutes leurs affaires, leurs armes, les peignes en corne, en os de moutons et de vache, les pièces de jeu et même des chiens et un faucon. "Chaque fois que j'essayais de nettoyer les squelettes ou d'en dégager un, je trouvais toujours plus d'artefacts et d'épées", a déclaré Raili Allmae, anthropologue légiste en charge de l'excavation des restes humains. Des fragments de textile, peut-être des morceaux de la voile utilisée comme linceul pour couvrir la pile de corps avant que le sable ne soit déposé par-dessus, ont également été identifiés parmi les ossements. 

 

Des corps inhumés dans l'urgence

L'état et l'emplacement des guerriers dans le plus petit navire furent plus difficiles à déterminer. Marge Konsa dut avoir recours à un programme conçu pour la reconstitution des scènes de crime, afin de pouvoir visualiser la place originelle des individus. Certains squelettes étaient mélangés et d'autres reposaient contre l'intérieur de la coque en position assise. En outre, ces individus étaient beaucoup moins richement équipés que ceux trouvés sur Salme 2.

Bien que les bateaux tombes soient connus à la fois grâce aux sagas et grâce aux découvertes archéologiques en Angleterre, en Suède et en Norvège, ceux de Salme s'avèrent, par bien des aspects, exceptionnels. Les bateaux tombes forment presque toujours des sépultures uniques, pour un seul roi ou une seule personne de haut rang, et sont recouverts par un grand monticule de terre. En outre, aucun bateau tombe n'avait jamais été découvert aussi loin à l'Est. Les bateaux de Salme sont la preuve que ces pratiques funéraires ont probablement évolué ultérieurement, au cours des siècles, et qu'elles forment un autre maillon reliant l'Âge de Vendel à l'Âge Viking. "Ces sépultures correspondent à des descriptions rédigées au Moyen-Âge sur la façon dont on enterrait des guerriers morts à l'étranger", a rappellé Jan Bill. "Il est extrêmement intéressant de voir quelque chose de très similaire s'être déroulé à une période précédent l'Âge Viking. Peut-être que cela nous indique d'où viennent ces histoires."

Pourtant, aux yeux des experts, ces sépultures résultent d'un travail mené en urgence. Seuls les corps de chaque navire ont été couverts de sable, peut-être pour empêcher des charognards de s'en prendre à eux. Des hommes déplaçant du gravier à la main et ramassant du sable avec leurs casques auraient pu, d'après les chercheurs, faire ce travail en quelques heures. "C'est une découverte incroyable", a déclaré John Ljungkvist, un expert des sépultures de l'Âge du Fer à l'Université d'Uppsala en Suède. "Cela ressemble à une sépulture post-champ de bataille, mais comportant beaucoup d'éléments d'un bateau-tombe. Ils n'ont eu ni le temps ni la logistique pour réaliser un enterrement digne d'un bateau-tombe, et ont plutôt dû tenter de faire une fosse commune."

 

Une funèbre hiérarchie

Le travail terminé, les deux bateaux et leur cargaison de cadavres furent ensuite abandonnés sur la plage. Peets et Konsa pensent que les tempêtes hivernales auraient pu soulever suffisamment de sable et de gravier pour remplir partiellement et même recouvrir les sépultures. Au cours des 1300 années suivantes, le littoral de la région a reculé, laissant les deux bateaux-tombes enfouis à 230 mètres de la mer et à presque 4 mètres de denivelé par rapport au niveau de la mer.

Les squelettes constituent déjà à eux-seuls une riche source d'information, établissant un lien évident entre l'Âge de Vendel et l'Âge Viking. Au regard de la réputation sanguinaire des Vikings, étonnamment peu de choses sont connus des combats que les hommes du Nord menèrent à l'Âge Viking. "Une fosse commune de cette période est unique", a affirmé Ljungkvist. "Nous n'avions pas de preuves matérielles de guerres et de raids, ce qui rend ceci très spécial."

En étudiant les squelettes, les archéologues peuvent en apprendre beaucoup plus sur la façon dont ils sont morts et comment de telles expéditions étaient organisées. C'est une question clé. Les savants ont longtemps débattu des raisons pour lesquelles l'expansion viking avait eu lieu aussi rapidement et férocement. Pourquoi les raids vikings en Europe de l'Ouest ne se produisirent pas plus tôt? Les théories vont du changement climatique - avec un réchauffement en Europe autour de l'an 800 qui généra une surpopulation forçant les jeunes hommes à chercher fortune ailleurs- à une combinaison de facteurs tels que le commerce, l'exploration d'autres terres et les avancées technologiques permettant de mener des raids toujours plus lointains. Les découvertes à Salme impliquent que l'approche historique de l'Âge Viking en tant que phénomène soudain soit réajustée de manière radicale, car il semblerait que des seigneurs scandinaves organisaient des guerres des décennies avant l'expédition dévastatrice de Lindisfarne en 793. 

Bien que les individus aient été inhumés ensemble dans les bateaux de Salme, rien ne témoigne d'un traitement égalitaire. Les armes découvertes figurent un groupe de guerriers mené par un riche seigneur de guerre ou un chef de clan, épaulé par une poignée de "lieutenants" bien équipés. La pile de corps sur Salme 2 était hiérarchisée. Cinq hommes, avec des épées aux lames à double tranchant et aux poignées minutieusement décorées, étaient positionnés au sommet. Au fond, les corps étaient ensevelis avec de simples lames de fer à un seul tranchant. "Il s'agit de nobles avec leur suite",  a déclaré Peets. "Les épées les plus élaborées sont clairement liées aux personnes de statut supérieur." L'un des squelettes les plus haut placés avait même dans sa bouche une pièce de jeu en ivoire de morse richement décorée, peut-être le "roi". Un pommeau d'épée ornée de joyaux, la plus raffinée des 40 lames de la sépulture, a été trouvée à proximité. Quant aux hommes de Salme 1, il est probable qu'ils étaient de basse extraction. Marge Konsa pense qu'ils étaient probablement des serviteurs ou des "membres du personnel" appartenant à la classe sociale des subalternes, et donc enterrés avec moins de soin, moins d'offrandes funéraires, et surtout à part des guerriers et des aristocrates de Salme 2.

 

Quelques artefacts remarquables parmi les 2 200 découvertes archéologiques liées aux bateaux-tombes de Salme et conservées au musée de Saaremaa 

Salme ship burials by Saaremaa Museum on Sketchfab

 

L'analyse médico-légale fait état d'un féroce affrontement

Pour découvrir qui étaient ces hommes et déterminer précisément d'où ils venaient, les archéologues ont analysé les squelettes. À la fin des fouilles en 2012, les restes des guerriers furent envoyés à l'Institut d'Histoire de Tallinn. Ils y ont été soigneusement rangés dans des douzaines de boîtes en carton blanc qui tapissent l'un des murs du laboratoire situé au dernier étage de l'institut. Allmae, l'anthropologue légiste, a passé deux ans à essayer de reconstituer l'histoire des os jaunis qui reposent à présent dans ces boîtes.

Allmae estime qu'elle a de bonnes raisons de croire que les hommes ont été abattus au cours d'une féroce bataille. Devant elle, sur une table de laboratoire en acier, se trouve un humérus. L'alignant contre son propre bras, elle montre comment l'homme a probablement levé sa main droite au-dessus de sa tête pour repousser les coups d'une épée - en vain. Une entaille profonde marque l'os là où la lame a pénétré. Le crâne d'un autre guerrier, lui, a carrément été fendu. "Quelqu'un a entaillé le haut de son crâneAussi, je suppose que cela a été fait avec une épée à double tranchant", a expliqué Allmae, avant d'ajouter: "Seulement 5 des 41 squelettes ont des marques d'entailles nettes sur leurs os, ce qui n'est pas inhabituel dans des fosses communes, il y a beaucoup de façons de mourir au combat après tout. Il y a aussi les pointes de flèches dans les organes ou dans la région pelvienne qui pouvaient s'avérer mortelles sans toucher pour autant un os".

Contrairement à de nombreuses tombes de champs de bataille, et à la différence de celle des 7 hommes trouvés dans le premier navire, les corps de Salme 2 semblent avoir été enterrés en prenant soin de penser à leur vie dans l'au-delà. L'homme au bras coupé a été retrouvé avec son membre amputé soigneusement disposé à sa place originelle. En outre, l'analyse d'Allmae démontre que cela devait être un groupe de guerriers particulièrement intimidant, surtout dans l'Europe du VIIIème siècle. Alors que la taille moyenne à l'époque était de 1,58m, plusieurs de ces hommes pourraient avoir mesurer plus de 1,80m. Certains des os portent des traces de vieilles blessures, suggérant qu'il s'agissait là de vétérans. D'après le style des épées, les pointes de flèches et autres armes en plus des objets découverts dans les bateaux tombes, Peets et Konsa sont déjà certains que les hommes étaient originaires de Scandinavie. "Ce sont des épées très typiques des guerriers scandinaves", a affirmé Peets. L'analyse de la composition chimique des os permettra aussi d'obtenir plus d'informations. Allmae prévoit d'avoir recours à une analyse isotopique afin de tenter de déterminer où ces hommes pourraient avoir grandi.

 

La saga d'Ingvar, ou un roi suédois enterré en Estonie

Estonie - Monument conçu par Mikk Mutso à l'emplacement exact et de la taille du plus grand des navires de SalmeSnorri Sturluson raconte dans la saga des Ynglingar que le roi suédois Ingvar, le fils d'Östen, était un grand guerrier qui passait souvent du temps à patrouiller sur les rives de son royaume pour combattre les Danois et les Vikings d'Estonie (Víkingr frá Esthland). Le roi Ingvar parvint finalement à un accord de paix avec les Danois et put s'occuper des Vikings en Estonie. Il commença donc à piller le pays en guise de représailles, et un été, il arriva à un endroit appelé Stein. Les Vikings d'Estonie rassemblèrent une grande armée à l'intérieur et attaquèrent le roi Ingvar au cours d'une grande bataille. Leurs forces fut si puissantes qu'Ingvar tomba et les forces suédoises durent se retirer. Ingvar fut enterré sous un monticule à un endroit appelé Steini, sur les rives d' Aðalsýsla. 

Il est tentant - mais finalement impossible - de relier les bateaux de Salme à l'expédition légendaire d'Ingvar. "Il ne faut pas utiliser le matériel historique pour faire coller une histoire à des découvertes archéologiques", a mis en garde Konsa, pour qui il est dangereux de rechercher dans les bateaux de Salme la sépulture d'Ingvar, mais Salme confirme que les événements de la saga auraient bien pu avoir lieu.”

Saaremaa semble de prime abord un endroit étrange pour un raid. D'après les sources historiques, les raids vikings étaient généralement dirigés vers des places commerciales ou des monastères aussi riches qu'isolés - en d'autres termes, des cibles toutes désignées. Ces proto-Vikings avaient-ils des objectifs similaires en vue? L'équipe estonienne de chercheurs ne peut pas se prononcer. Rien de ce genre n'avait jamais été découvert jusqu'à présent, dans cette partie de l'Estonie. L'île de Saaremaa est plus connue pour les batailles de chars entre les troupes soviétiques et allemandes pendant la Seconde Guerre mondiale que pour les combats à l'épée de l'Âge de Vendel. Les décennies de fouilles sur l'île ont peu concerné les environs immédiats des bateaux-tombes. "Saaremaa est une très grande île, mais nous n'avons pas de colonies ou d'autres tombes connues datant de l'époque des bateaux découverts ici", a rappelé Saage. "Les plus proches sont à environ 20 km de là."

 

Une bataille commencée en mer?

Si la bataille correspond à un raid mené sur un village, ou un affrontement armé avec les habitants, ces visiteurs belliqueux peuvent avoir remporté une bien coûteuse victoire. "Ils dûrent avoir un certain contrôle du champ de bataille sans pour autant remporter la victoire, mais avoirsuffisamment de temps pour réaliser les bateaux tombes", a relevé Saage. Le fait, ensuite, que les défunts et leurs biens funéraires aient été laissés intacts assez longtemps pour que les tempêtes les couvrent de sable, suggère que la zone fut abandonnée après le combat.

Peut-être que ces hommes se sont battus contre d'autres Scandinaves. Konsa a trouvé des pointes de flèches là où se trouvait autrefois la partie extérieure de la coque du plus petit navire, comme si des flèches étaient venues se planter dans le bois. Elle a suggéré que "peut-être que la bataille avait déjà commencé en mer", avant que les combats ne se poursuivent sur la plage. Est-ce que des seigneurs de guerre rivaux auraient pu débarquer sur une côte isolée pour régler un conflit commencé chez eux? Ou cela fut-il le dernier lieu de repos du légendaire Ingvar, abattu par de féroces assaillants indigènes?

Le voile ne sera jamais entièrement levé sur cet événement. Mais les restes de ces aventuriers audacieux et infortunés sont suffisamment éloquents pour esquisser la scène d'un drame, celle d'une expédition qui a mal tourné, et d'un seigneur de guerre tué en conduisant ses hommes au combat sur une côte lointaine.

22.07.2020 - Des liens de parenté entre les guerriers vikings à Salme

Quatre des Vikings dont les squelettes ont été découverts dans un des deux navrires à Salme, étaient des frères.

L'étude "Génomique des Populations du Monde viking" menée par une équipe internationale de scientifiques et publiée le 17 Juillet 2019 sur BioRxiv.org - un portail dédié aux recheches en Science biologique - traite de la structure génétique de l'expansion viking et de ses effets sur les populations locales de différentes régions.

À cette fin, les chercheurs, parmi lesquels se trouvaient des Estoniens, ont séquencé le génome de 442 anciens individus du monde viking, dont 34 étaient d'Estonie. Le matériel génétique provient d'ossements datant de l'Âge du Bronze (2400 avant notre ère), de l'Âge du Fer, de l'Âge Viking et du Moyen-Âge (1600).

 

Originaires du lac Mälar

Les résultats ont d'abord montré un flux de gènes venu du sud (Danemark) et de l'est (est de la Suède) durant l'Âge du Fer en Scandinavie, et un flux de gènes oriental dans certains groupes de l'est et du centre de la Suède, ainsi que dans certains groupes norvégiens.

L'étude a ensuite permis de confirmer ce que suggéraient les découvertes archéologiques pour la période de l'Âge Viking. Ainsi, une ascendance Danoise est détectée en Grande-Bretagne, une ascendance norvégienne en Islande, au Groenland, en Irlande et sur l'île de Man, et une ascendance Suédoise est détectée vers l'est. Parallèlement, l'afflux de matériel génétique étranger en Scandinavie s'est poursuivi.

En ce qui concerne les guerriers découverts dans le bateau-tombe appelé Salme 2, sur l'île estonienne de Saaremaa, les chercheurs ont pu déterminer qu'ils étaient originaires de la région du lac Mälar, en Suède. Seuls cinq hommes venaient d'autres régions de Suède, mais peut-être aussi d'Öland, une grande île du sud-ouest de la mer Baltique, ou du comté de Viru-Est à l'extrême Est de l'Estonie. Ils ont également démontré que certains de ceux qui participaient à de telles expéditions vikings étaient des parents proches. 

 

Quatre frères en expédition à Salme

L'analyse du génome des Vikings du site de Salme a révélé qu'il y avait quatre frères inhumés côte à côte, et un individu avec un lien de parenté au troisième degré parmi les autres squelettes étudiés. Mais presque tous les hommes enterrés dans les deux navires avaient des ancêtres assez proches, ce qui suggère que les raids vikings étaient organisés par une population homogène formée d'individus étroitement liés par la famille.

Les bateaux-tombes de Salme ont la particularité d'être les seules traces archéologiques conservées d'une expédition viking ou peut-être d'une mission diplomatique. De plus, ils sont datés de la moitié du VIIème siècle environ, soit un demi-siècle plus tôt que la première expédition décrite par les chroniques, qui marque le début de l'Âge Viking: l'attaque de Lindisfarne en 793.

Aussi, d'après l'un des auteurs de la recherche, Eske Willerslev, professeur de Génétique évolutive à l'Université de Copenhague au Danemark, le site de Salme est en mesure de changer complètement la compréhension du concept de l'Âge Viking et de l'identité des Vikings. "À mon avis, les Vikings de Salme sont la découverte la plus importante qui ait jamais été faite. Au Danemark, ils seraient des icônes nationales". 

 

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