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Écosse - De nouvelles analyses pour corroborer la légende du dernier grand roi viking: Magnús Óláfsson

Des rondins de chêne découverts près de Tarbert ont peut-être servi à transporter un navire par voie terrestre. Il pourrait s'agir, selon des chercheurs écossais, d'une preuve matérielle démontrant la véracité d'un récit légendaire sur un haut fait du dernier des grands rois vikings: Magnús Berrføtt. 

Une équipe de recherche de l’Université des Highlands et des Îles écossaises (UHI) s'est attelée à cartographier les itinéraires de navigation des Vikings dans les îles du Nord.

Ils pensent à présent être en mesure de reconstituer une route de portage empruntée par le roi de Norvège Magnús Óláfsson (1073-1103), connu sous le nom de Magnús III ou encore Magnús Berrføtt (Barelegs ou Barefoot en anglais, "aux Pieds ou Jambes nu(e)s" en français), qui débarqua en 1098 sur la péninsule du Kintyre pour revendiquer ce territoire.

"Barelegs fut l’un des derniers vrais Vikings à partir en expédition. La raison pour laquelle cette route nous intéresse autant est qu’elle apparaît dans de nombreuses sources écrites. Nous supposons que cela a eu lieu, mais personne ne sait par où il est passé", a déclaré le Dr Alexandra Sanmark, de l’Institut d’études nordiques de l’UHI, qui a codirigé l'étude publiée dans la revue d'Archéologie et d'Histoire Journal of the North Atlantic (JONA, vol.13, n°44).

 

La légende de Tarbert, une histoire de duperie

Écosse - Freydis, réplique d'un bateau viking, dans le port de Tarbert - Photo: The Isthmus - Café de TarbertPendant des siècles, les habitants de Tarbert ont perpétué une légende souvent perçue comme un conte du folklore local. Pourtant, il en est question dans la Orkneyinga saga, un récit historique rédigé vers 1230 sur les Orcades depuis leur conquête par le roi de Norvège au IXème siècle jusqu'aux années 1200 environ, ainsi que dans le Flateyjarbók, un manuscrit islandais rédigé entre 1387 et 1394, et la Heimskringla, un recueil de sagas sur les rois norvégiens écrites et compilées par le poète et historien Snorri Sturluson vers 1225. 

D'après ces récits, le petit-fils d'Harald Hardråde, Magnús Berrføtt, mena en 1098 une campagne navale de grande envergure contre les îles des mers intérieures de la côte ouest de l’Écosse puis en mer d'Irlande (île de Man), des territoires que la couronne norvégienne considérait être les siens depuis l'époque viking. Les sources écrites évoquent une "grande et belle armée" composée de 160 navires, qui "ravagea et brûla" tout sur son passage.

En échange de la paix, le roi écossais Edgar, dit "le Pacifique" (Etgair mac Maíl Choluim), lui accorda le contrôle de toutes les îles à l'Ouest du continent (l'archipel des Hébrides), soit toutes les terres entre lesquelles il pouvait se déplacer en se tenant à la barre de son navire.

Mais en arrivant dans le Kintyre, Magnús Berrføtt aurait dupé le roi d'Écosse en faisant passer son navire d'Ouest en Est à travers la lande de l'isthme de Tarbert, assis à la barre, ce qui lui aurait permis d'affirmer que toute la péninsule était une île et, en conséquence, qu'elle appartenait aussi à la Norvège.

 

Du bois d'un potentiel chemin de portage

Aucune preuve matérielle démontrant que cet événement s'est produit n'a été trouvée. Du moins, jusqu'à ce qu'un agriculteur de la région de Tarbert découvre, dans les années 1990, des rondins de chêne alors qu'il était en train de labourer un champ.

Le bois mis au jour se trouvait sur une bande de terre entre West Loch Tarbert et East Loch Tarbert. Il est donc possible, selon les chercheurs, qu'il ait servi à créer un chemin de portage qui aurait constitué un raccourci considérable pour relier le Sound of Jura au Loch Fyne (un loch marin de 65 km de long) et finalement rallier la Clyde - le deuxième plus long fleuve d'Écosse.

Jusqu'à présent, les tentatives de datation dendrochronologique ont été infructueuses, écrivent les auteurs de l'étude. Mais grâce à un financement de la Society of Antiquaries of Scotland, une société savante d'antiquaires à Édimbourg, de nouvelles méthodes de datation du bois vont être déployées afin de déterminer si le chêne remonte effectivement à l'époque de la visite de Magnús Óláfsson. 

C'est la première fois qu'une telle analyse d'un potentiel chemin de portage est réalisée en Écosse. "Si nous sommes en mesure d'obtenir une date correspondant à la saga [Orkneyinga saga] et aux toponymes, cela changerait notre façon d'envisager les voies de communication à l'Âge Viking", a souligné Shane McLeod, co-auteur et expert de cette époque historique, qui travaille également à l'UHI.

 

Des traces de vieux norrois dans les toponymes

Les chercheurs accordent beaucoup d'importance aux noms de lieux qui se révèlent précieux pour repérer les itinéraires empruntés par les Vikings. "Ce sont les premiers éléments que nous examinons. Nous étudions également l’archéologie, les implantations, les sépultures et la topographie", a indiqué le Dr Alexandra Sanmark

Le nom de Tarbert est la forme anglicisée du mot gaélique écossais "tairbeart", composé de tar, "à travers" et d'une forme du verbe beir, "porter". Il signifie donc littéralement "porter-à-travers", en référence à la petite bande de terre entre les deux étendues d'eau formées par West Loch Tarbert et East Loch Tarbert.

"Outre le gaélique Tarbert, nous avons aussi le mot en vieux norrois 'eið', qui signifie 'isthme' et qui survit dans le nom de lieu 'Aith' ", explique la chercheuse, avant d'ajouter: "Il existe quelques toponymes qui contiennent le mot  pour "rondin de bois", mais personne n’a jamais trouvé de bois à cet endroit. C’est pourquoi nous sommes si enthousiastes à propos de la découverte de Tarbert". 

 

Un norvégien à l'origine du kilt?

Les chercheurs n'ont aucune certitude concernant la raison pour laquelle Magnús a été surnommé Berrføtt. Certains historiens pensent que ce serait parce qu'il portait une sorte de jupe qui l'aurait moins entravé qu'un pantalon au combat et que c'est en cherchant à l'imiter que les guerriers écossais auraient donné naissance au vêtement national: le kilt.

D'après Snorri Sturluson, c'était parce que le roi norvégien et beaucoup de ses hommes avaient pour habitude d'aller "jambes nues" en "portant des chemises courtes et des capes". 

L'historien danois Saxo Grammaticus formule une tout autre hypothèse. Ce serait une défaite contre les Suédois qui serait à l'origine de ce surnom. Il écrit que les Suédois "sont tombés sur lui de manière inattendue, il dut donc fuir honteusement vers ses navires, pieds nus comme il se trouvait, et cette évasion honteuse lui valut le nurnom de 'Berrføtt'."

 

Le dernier des grands rois vikings

Magnús Óláfsson mourut 5 ans plus tard. Il fut tué au combat le 24 Août 1103, par un coup de hache dans le cou après avoir reçu une lance dans la cuisse, dans le royaume gaélique d'Ulaid (Ulster), au nord-est de l'Irlande. 

Sa mort mit fin à l'implication directe du pouvoir royal norvégien dans les îles écossaises.

Même si ses campagnes se terminèrent assez mal et conduisirent par la suite à une période d'instabilité du pouvoir, sa politique étrangère agressive et expansive lui vaut d'être souvent considéré comme le dernier des grands rois vikings. Il fut également le dernier monarque norvégien à tomber au combat sur un sol étranger. 

En hommage à ce personnage historique, une réplique de bateau viking construite par des bénévoles a été mise à l'eau lors du premier Loch Fyne Viking Festival, en 2014, afin de reconstituer le légendaire portage du navire de West Loch Tarbert à East Loch Tarbert.

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