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Danemark - Plus de cinquante tombes de l'Âge Viking mises au jour sur l'île de Fionie

Les archéologues du Musée d'Odense ont découvert dans un champ, à Åsum, plus de 50 tombes contenant des squelettes extrêmement bien conservés et des artefacts de l'époque viking. Ce cimetière est d'ores et déjà l'un des plus importants mis au jour sur l'île de Fionie.

Deux archéologues équipés de genouillères, d'une pelle et d'une brosse sont en train d'achever une fouille majeure dans un ancien champ situé à la limite sud du village d’Åsum, à l'est de la banlieue d'Odense.

D'après leurs estimations, les cinquante tombes qu'ils ont trouvées datent d'une période comprise entre 850 et 970 de notre ère.

"C'est une découverte passionnante. Ce n'est pas tous les jours que l'on trouve un endroit comme celui-ci", a déclaré Sarah Croix, professeure associée au Département d'Archéologie et d'Études du Patrimoine culturel de l'Université d'Aarhus, lorsqu'elle a visité le chantier de fouille.

"Il est rare de trouver des squelettes aussi bien conservés à l'ouest du Grand Belt [le détroit qui sépare les deux plus grandes îles du Danemark, Seeland et Fionie] - et en si grand nombre. Cela nous donne l'opportunité d'en apprendre davantage sur ces personnes: qui elles étaient, leur âge, leur sexe et leur état de santé", a-t-elle ajouté.

 

Un chantier archéologique de 6 mois

C'est grâce à une heureuse coïncidence si l'immense site funéraire d'Åsum, qui s'étend sur une superficie d'environ 2000 m², a été repéré l'année dernière. Une équipe du musée d'Odense a été appelée pour mener des fouilles préventives parce que la société Energinet prévoit de faire passer des câbles  sous terre à travers l'ancien champ.

Michael Borre Lundø, responsable des fouilles et inspecteur du musée, savait déjà qu'il s'agissait d'un endroit "riche en métaux" puisque plusieurs découvertes à l'aide d'appareils de détection ont eu lieu dans cette zone.

Pourtant, ce fut pour lui "une totale surprise" de voir tout un cimetière refaire surface. "Je ne me souviens pas que le musée d'Odense ait jamais fouillé un site funéraire de cette taille avec des squelettes aussi bien conservés de l'époque viking", a-t-il indiqué.

Depuis avril 2024, ses collègues archéologues, Marc Kaspersen Hauge et Kirsten Prangsgaard, mettent au jour des squelettes et d'autres objets qui sont acheminés au fur et à mesure jusqu'au musée. Après six mois environ de travail, le chantier touche à sa fin.

 

Des squelettes étonnament bien conservés

Danemark - L'une des 50 sépultures de l'Âge Viking découvertes à Åsum - Photo Photo: Sara Oline Martini Jorgensen Musée d'OdenseLe site funéraire, qui mesure 30 mètres sur 60, a une taille comparable à celle de deux autres cimetières de l'Âge Viking sur l'île de Fionie - Galgedil à Otterup et Kildehuse II à Tietgenbyen- ce qui en fait l'un des plus grands découverts dans la région.

Toutefois, précise le responsable des fouilles, les dimensions du site ne sont pas la seule raison pour laquelle cette découverte s'avère si intéressante. La grande majorité des squelettes sont extrêmement bien conservés et reposent dans le sol presque comme ils y ont été déposés il y a plus de mille ans.

"Quand ces squelettes entiers sont sortis de terre, c'était tout simplement incroyable. Je dirais presque 'sensationnel'", confie Michael Borre Lundø en désignant à ses pieds un squelette presque complet.

Le bon état de conservation du matériel osseux est dû à une combinaison favorable des conditions du sol et d’un niveau élevé de la nappe phréatique, garante d'une faible pénétration de l’oxygène et par conséquent, d'un processus de décomposition ralenti.

Qui plus est, la plupart des corps ont été enterrés profondément et ont donc été bien protégés de l’oxygène.

 

Une broche typique de Gotland

Hormis le matériel osseux, les archéologues ont découvert un certain nombre d'objets datant de l'époque viking. Ils ont trouvé des perles, des couteaux, une pièce de monnaie qui était en cours à Ribe et des broches, dont une trilobée à laquelle est encore accrochée une petite pièce de tissu.

Une autre de ces broches, en forme de tête d'animal, est typique de Gotland. "C'est la première broche gotlandaise trouvée sur l'île de Fionie - or il est très rare, en règle générale, d'en découvrir en dehors de Gotland", explique Michael Borre Lundø.

Ce type de broche faisait partie d'une sorte de costume régional et n'avait probablement pas beaucoup de sens pour quelqu'un d'étranger, stipule le responsable des fouilles. Il est donc fort probable, selon lui, que le défunt ait été Gotlandais ou bien qu'un proche parent de cette origine ait déposé l'artefact dans la tombe.

Plusieurs objets provenant des nombreuses sépultures d'Åsum montrent que les anciens Scandinaves inhumés ici étaient connectés aux réseaux commerciaux internationaux qui se sont développés à l'époque viking, à l'instar d'un petit morceau de cristal de roche qui n'est pas naturellement présent au Danemark et qui a probablement été importé de Norvège.

Les vestiges d'une sépulture très rare

Un objet en particulier a éclipsé tous les autres, à la fois en termes de taille et d’importance.

Les archéologues ont mis au jour, à une faible profondeur, une sorte de caisse en bois en guise de cercueil. Ou du moins ce qu’il en reste, c'est-à-dire les rivets et les clous qui ont servi à son assemblage.

Elle correspond à la partie supérieure d'un chariot tiré par des chevaux, une forme de sépulture utilisée pour enterrer les femmes des classes sociales supérieures. "Cette coutume funéraire est liée à une période spécifique et relativement courte vers le milieu du IXème siècle. C'est pourquoi, il s'agit d'une découverte très rare", relève Sarah Croix.

"La femme a été inhumée dans le chariot avec lequel probablement elle voyageait", suppute Michael Borre Lundø, tout en confirmant qu'il existe très peu de découvertes de ce genre sur l'île de Fionie. Il précise, par ailleurs, qu'au pied du chariot se trouvait un coffre en bois finement décoré dont ils ignorent encore le contenu.

 

Tout un panel de rites funéraires

Le cimetière témoigne de divers rituels en matière d'inhumation. Dans certaines tombes, le squelette se trouvait dans un cercueil dont il ne subsiste plus qu'une ligne sombre dans la terre. Dans d’autres, le corps du défunt semble avoir été simplement enveloppé dans un tissu ou déposé à même la terre.

Il faut encore ajouter aux cinquante sépultures du cimetière viking d’Åsum, cinq tombes cinéraires. "Nous voulons savoir si tout cela s'est produit de manière concomitante. Certains ont-ils été brûlés tandis que d’autres ont été enterrés dans des cercueils? Ou bien les tombes datent-elles de périodes différentes?", s'interroge le responsable des fouilles.

Et ce n'est pas tout, car d'autres os brûlés mis au jour soulèvent également un certain nombre de questions sur les rituels funéraires...S'agit-il d'ossements d'origine animale ou humaine? Et y a-t-il eu des crémations et des sacrifices pendant les funérailles, ou cela s'est-il produit après?

Michael Borre Lundø, qui n'exclut pas non plus le fait que des esclaves ait pu être sacrifiés avec leur maître, a bon espoir que des réponses soient apportées par les analyses plus approfondies du matériel archéologique d’Åsum. "Nous sommes aussi à une époque où le christianisme gagne de plus en plus de terrain, et il se pourrait bien qu'une partie des gens qui ont été inhumés ici soient en réalité des chrétiens et non des païens", avance-t-il.

 

Analyse anthropologique et test ADN

Toutes les découvertes vont d'abord passer entre les mains de la conservatrice du Musée d'Odense, Jannie Amsgaard Ebsen, afin d'être nettoyées et stabilisées. Elles seront ensuite envoyées à l'Institut Panum, de l'Université de Copenhague, où une analyse anthropologique et des tests ADN susceptibles de livrer un aperçu du type de population qui vivait Åsum il y a plus de 1000 ans, seront notamment réalisés.

"Cela pourrait être vraiment passionnant de savoir si les personnes enterrées sont apparentées les unes aux autres, si certaines d'entre elles sont originaires d'autres régions d'Europe ou ont des liens génétiques en dehors de l'île de Fionie", souligne Sarah Croix. "Cela peut aider à donner une image plus nuancée de la façon dont les gens se déplaçaient et nouaient des relations", a-t-elle pousuivi.

"Il est fascinant d’imaginer que les Vikings enterrés là étaient sans aucun doute conscients du développement urbain naissant qui a eu lieu à seulement cinq kilomètres à l’ouest de l’endroit où ils vivaient, alors connu sous le nom d’Odins Vi. Leurs descendants ont été témoins de la consolidation d’Odense en tant que ville, tandis que Harald Bluetooth construisait l’un de ses forts circulaires - Nonnebakken- au sud de la rivière dans le cadre de ses efforts pour unifier le royaume", résume Michael Borre Lundø.

Ce dernier avait hâte de dévoiler leur spectaculaire découverte restée cachée au public pendant de longs mois: "Ce n'est en aucun cas quelque chose de courant, et il ne fait aucun doute que le potentiel des recherches à venir est tout simplement énorme", conclut-il.

 

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