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Danemark - De jeunes chats abattus en masse pour leur fourrure dans une rue marchande de l'Âge Viking à Odense

Ce qui se passait à Odense au Moyen Âge va fortement déplaire aux militants de la protection animale d'aujourd'hui. De récentes fouilles archéologiques ont révélé qu'un grand nombre de jeunes chats, généralement âgés de moins d'un an, ont été élevés et tués pour leur fourrure.

Un coup sur la tête pour les assommer, une entaille au-dessus du crâne, sur la partie inférieure de la mâchoire et autour des pattes, puis la fourure était arrachée et la dépouille jetée dans une fosse à déchets ou jetée à même le sol pour le repas des chiens affamés. Tel fut le sort réservé aux chats dès l'Âge Viking, dans ce qui était probablement une sorte d'élevage tout à fait ordinaire pour l'époque d'animaux à fourrure.

Les sources écrites ne disent presque rien des relations qu'entretenaient les hommes avec les chats au Moyen Âge, mais les découvertes archéologiques suggèrent qu'elles étaient beaucoup moins sentimentales qu'aujourd'hui, confie l'archéologue Kirstine Haase, affiliée à la fois au musée de la ville d'Odense et à l'Université d'Aarhus. 

"C'est un phénomène récent de rejeter l'idée d'utiliser des chats pour leurs peaux. Au Moyen Âge, le chat était un animal qui éloignait les souris et les rats, et s'il ne se nourrissait pas, il était condamné. Ces animaux à fourrure étaient jeunes, et c'est certainement à la fois parce que leur fourrure était plus douce, mais aussi parce qu'ils étaient plus fragiles et qu'ils ne pouvaient pas survivre au premier hiver", explique Kirstine Haase, qui prépare un doctorat à propos d'Odense au Moyen Âge.

 

Les chats avaient plusieurs fonctions

Danemark - Les fouilles menées à Odense révèlent des élevages de chats pour leur fourrure - Photo: Musée d'OdenseLes fouilles menées dans la ville d'Odense couvrent une période allant du XIème au XVIème siècle ce qui, au Danemark, est plus ou moins représentatif de tout le Moyen Âge jusqu'à la Réforme (de 1050 à 1536).

Selon Kirstine Haase, les recherches effectuées révèlent tout un pan important de l'Histoire, à commencer par la façon dont une ville médiévale fonctionnait au Danemark comme, par exemple, l'utilisation des ressources à disposition.

"De toute évidence, il semble que tout était utilisé jusqu'aux plus petits fragments d'os, et les chats en sont un bon exemple. C'est un animal qui a fait l'objet d'élevage. Il servait à chasser les souris, et en même temps sa fourrure pouvait être utilisée de sorte que la population de chats était sous contrôle. Ils avaient donc plus d'une fonction", précise Kirstine Haase.

"Et puis les enfants comme tout individu au coeur tendre ont probablement aussi joué un peu avec eux de temps à autre. Après tout, peu de personnes peuvent résister à un mignon petit chat", ajoute-t-elle.

 

Des femelles matures pour la reproduction 

En 1970, les archéologues avaient déjà mis au jour un grand nombre d'ossements de jeunes chats à Odense mais, à ce moment-là, ils ignoraient s'il s'agissait ou non d'un phénomène isolé. 1783 fragments de squelettes félins provenant d'une fosse qui servait de poubelle, ont été identifiés, soit l'équivalent d'au moins 68 chats. À ce moment-là, cette découverte unique est la plus importante du genre.

La datation au carbone 14 a permis de dater ces os d'environ 1070, à plus ou moins 100 ans. Ce manque de précision provient du fait que les méthodes de datation d'alors n'étaient pas aussi précises que celles d'aujourd'hui.

La zoologiste Tove Hatting a ensuite pu constater qu'il s'agissait principalement de jeunes chats, tous avec plusieurs entailles sur le crâne et la partie inférieure de la mâchoire, indiquant manifestement qu'il y avait eu écorchage. Dans une publication scientifique du Danish Journal of Archaeology de 1990, Tove Hatting rapporte que la répartition par âge des animaux découverts dans cette fosse montre une majorité de spécimens âgés de moins d'un an. 

Un certain nombre d'ossements provenaient de petites femelles matures, vraisemblablement utilisées pour la reproduction. La zoologiste en conclut : "Cela indique que les animaux étaient gardés en captivité." En d'autres termes, c'était un élevage de chat.

 

Une découverte ne fait pas force de loi

Cette découverte en 1970 n'a pas eu lieu dans le cadre de fouilles proprement dites. Ce n'est que récemment - lors d'un réaménagement du centre-ville d'Odense - qu'il a été possible pour les archéologues de plonger au coeur de la cité médiévale pour mener l'enquête.

"Il est toujours difficile de donner une échelle de grandeur à partir d'une découverte. Y avait-il un élevage de chats là où habitait un artisan spécialisé ou bien était-ce quelque chose dont vivaient les gens de la région? C'est pour répondre à cette question que nous nous sommes montrés très vigilants pour tout ce qui concernait la découverte d'ossements de chats", explique Kirstine Haase.

Les fouilles ont eu lieu en deux temps, mais c'est surtout les données de la première phase, à savoir les informations relevées le long de l'ancienne rue principale, que Kirstine Haase utilise pour son doctorat. "La rue principale était déjà une rue centrale avec de nombreux commerces. Elle a été un point central tout au long de l'Âge Viking", déclare-t-elle.

 

"Une grande proportion" de chats

Danemark - Marques d'entailles sur le crâne et les pattes antérieures d'un jeune chat - Photo: Ingrid Sørensen80 000 fragments d'os ont été analysés, et parmi eux il a été possible d'en identifier environ la moitié. Parmi ces derniers, 1200 appartiennent à des chats. Cela représente, selon Kirstine Haase, "une grande proportion."

Il est encore difficile de déterminer dans quelle proportion l'élevage de chats pour leurs peaux était répandu, mais d'après elle tout indique que cette pratique s'est produite au moins dans une certaine mesure à travers la cité. "Les os de chat que nous avons trouvés sont plus dispersés que lors de la première découverte. Certains d'entre eux étaient dans des fosses à déchets, d'autres dans des tas de fumier, et cela pourrait plutôt indiquer le fait que les gens ont eu besoin de peaux pour leurs gants ou de la fourrure pour leur manteau. Mais il est difficile de dire si cela couvre des besoins de particuliers au jour le jour ou ceux d'un véritable artisanat", explique Kirstine Haase.

 

 

Des pratiques identiques dans d'autres villes

Dans le cadre de son doctorat, Kirstine Haase a recherché ailleurs d'autres traces d'élevage de chats et a trouvé la même pratique dans le Schleswig-Holstein (land de l'actuelle Allemagne) qui, au Moyen Âge, faisait partie du Danemark. "Globalement, c'est à peu près le même schéma. Il y est également question de jeunes félins de 6 à 12 mois, eux aussi écorchés ", relate-t-elle.

Même découverte lors des fouilles de la rue Læderstræde à Roskilde (Danemark). Bien qu'il ne s'agisse que d'un seul dépôt, comme à Odense au départ, les chiffres sont encore une fois significatifs, 434 fragments d'os, soit 16% d'ossements de chats. De jeunes spécimens sur lesquels, là encore, a été prélevée la fourrure. "Ils ont eu une ou plusieurs sortes d'élévages de chats où les chats étaient gardés enfermés dans des cages", explique Katja Leander Hansen, qui a écrit une thèse à l'Université de Copenhague sur les ossements d'animaux de Læderstræde. 

"Il est intéressant de relever que beaucoup d'os étaient fracturés et ont continué à croître de travers. Ils ont été très maltraités au regard de la façon dont nous traitons les chats de nos jours. À cette époque, c'était juste un animal d'élevage", ajoute Katja Leander Hansen.

 

Une punition pour celui qui a tué le chat du roi

Selon Anne Birgitte Gotfredsen, directrice de thèse de Katja Leander Hansen, les découvertes d'Odense et de Roskilde au sujet des chats se ressemblent beaucoup. "Le point intéressant est qu'il semble tous avoir été élevés pour leur fourrure", relève Anne Birgitte Gotfredsen, qui est chargée de cours au musée d'Histoire naturelle de l'Université de Copenhague et experte des ossements d'origine animale.

Anne Birgitte Gotfredsen a tenté, avec son collègue Kristian Murphy Gregersen, de lancer une recherche dans la base de données du musée d'Histoire naturelle à partir des mots "chats" et "Moyen Âge",  mais le résultat - 45 découvertes au Danemark- est peu probant car que cela ne dit rien, par exemple, du nombre d'os de chats trouvés.

Les sources littéraires historiques sont également très rares, mais Kristine Haase a réussi à trouver dans des sources étrangères des mentions faisant référence aux chats et / ou à la fourrure de chats. Par exemple, un document juridique gallois écrit au XIIème siècle, mais datant probablement à l'origine de l'année 948, détaille la punition réservée à celui qui a "tué le chat qui garde l'écurie du roi". Le criminel a dû verser une amende correspondant à la valeur d'un mouton et fournir une quantité de grain capable de recouvrir complètement le défunt chat, alors que ce dernier est tenu par la queue et que sa tête touche le sol.

 

Une valeur à la baisse

Une source juridique islandaise du XIIème siècle indique que 2 peaux de vieux chats valent autant que 6 peaux d'agneaux ou 3 de renards, tandis qu'un texte juridique norvégien de la fin du XIIIème siècle évalue à la baisse la valeur d'une peau de chat, juste équivalente à une ceinture ou un couteau. Selon Kirstine Haase, cela suggère que les peaux de chats ont eu une valeur plus élevée au Moyen Age que par la suite - peut-être parce que les chats se sont répandus et sont devenus plus communs.

"Tout ceci raconte vraiment la façon dont se passait le quotidien dans une ville marchande à cette époque: comment les gens s'habillaient, et à quel point ils dépendaient des ressources à disposition par rapport à ce qu'ils pouvaient produire par eux-mêmes", déclare Kirstine Haase, avant de conclure: "Cela nous donne un aperçu de la vie quotidienne qu'ils avaient et un aperçu de ce que c'était de se lever le matin il y a 1000 ans. Voilà ce sur quoi nous travaillons, et c'est donc une opportunité unique de pouvoir mener de telles fouilles au milieu d'une ville médiévale intacte."

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